Un changement sémantique au cœur du droit pénal routier. Le vote de l’Assemblée nationale relance le débat sur la portée réelle d’une requalification juridique censée répondre aux attentes des victimes d’homicide routier. Le texte doit désormais franchir l’étape du Sénat.
Homicide routier : l’Assemblée vote une nouvelle qualification pénale

Le mardi 3 juin 2025, l’Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture une proposition de loi créant une nouvelle infraction dans le Code pénal : le délit d’homicide routier. Portée par Éric Pauget, député Les Républicains, cette mesure est présentée comme une réponse à une demande de reconnaissance exprimée par les familles de victimes d'accidents de la circulation. Si le mot change, les peines, elles, restent inchangées. Le texte doit désormais être examiné par le Sénat pour éventuellement entrer en vigueur.
Homicide routier : une requalification qui vise les comportements les plus délibérément dangereux
La proposition de loi vise à sortir de la distinction binaire entre homicide involontaire et volontaire. Elle introduit une nouvelle qualification pour les cas où un conducteur provoque un décès dans des circonstances aggravantes : conduite sous l’effet de l’alcool ou de stupéfiants, participation à un rodéo urbain, refus d’obtempérer, usage du téléphone, excès de vitesse important ou conduite sans permis.
Cette nouvelle infraction, sans modifier les peines maximales, crée un cadre autonome dans le code pénal. Elle prévoit jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende pour une circonstance aggravante, jusqu’à 10 ans et 150 000 euros d’amende en cas de cumul. Des sanctions complémentaires sont également incluses : annulation de permis, interdiction de le repasser pendant plusieurs années, ou encore obligation de stage de sensibilisation.
Le député Éric Pauget a déclaré : « Lorsque quelqu’un a volontairement consommé de l’alcool, de la drogue, volontairement participé à un rodéo urbain […] et que derrière il y a un accident, pour les victimes et pour les familles, le terme juridique ‘involontaire’ est inacceptable. »
Un vote majoritairement favorable, malgré des réserves exprimées
Le texte a été adopté à une large majorité, avec 194 voix pour et 6 contre. Béatrice Piron, députée Horizons, a qualifié cette mesure de « modification avant tout symbolique », soulignant que « les quantums de peines encourues restent inchangés ». Hervé Saulignac, député PS, a pour sa part estimé qu’il s’agissait d’une loi destinée à « réconcilier avec l’institution judiciaire, parfois rejetée par ceux qui considèrent que la qualification recouvre une forme de clémence ».
Certains élus ont toutefois exprimé leur opposition. Rodrigo Arenas (La France insoumise) a déclaré : « Cette loi n’est pas demandée par les juges, elle n’est pas demandée par les avocats », et a estimé qu’il serait « hypocrite de faire croire aux familles de victimes que cette loi va arranger les choses. »
Prochaine étape au Sénat, vers une entrée en vigueur possible d’ici fin 2025
Le texte doit désormais être examiné par le Sénat. En cas d’adoption conforme, la loi pourra entrer en vigueur. Dans le cas contraire, une commission mixte paritaire devra être convoquée. Le gouvernement espère une promulgation rapide.
Parallèlement, le texte introduit une autre disposition : le dépassement de la vitesse autorisée de plus de 50 km/h devient un délit, puni de trois mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende, avec des peines complémentaires possibles comme l’annulation du permis.
Ce nouveau cadre législatif se veut une réponse aux attentes exprimées par plusieurs associations de victimes, et vise à renforcer la perception de gravité des comportements dangereux au volant. Reste à savoir si cette nouvelle qualification s’avérera suffisante pour améliorer la lisibilité du droit pénal et répondre à ses objectifs de dissuasion et de justice.