Le 17 avril 2025, un jugement retentissant a secoué la Silicon Valley. Le tribunal fédéral du district Est de Virginie a tranché : Google, géant de la technologie évalué à près de 1.860 milliards d’euros, a enfreint la législation antitrust en accaparant de manière illégale plusieurs segments clés du marché de la publicité numérique. Cette décision marque une étape cruciale dans la série de batailles judiciaires qui ciblent les pratiques anticoncurrentielles des GAFAM.
« Monopole publicitaire » : Google condamné par la justice américaine

Google, architecte d’un empire publicitaire verrouillé
Si Google est aujourd’hui omniprésent sur le web, ce n’est pas uniquement grâce à son moteur de recherche. Son pouvoir s’étend à ce que l’on appelle l’« ad tech stack », un ensemble d’outils logiciels qui régissent l’achat, la vente et la diffusion d’annonces sur Internet. Et c’est précisément ce système opaque qui est au cœur de l’affaire.
Selon la juge Leonie Brinkema, Google a, durant plus de quinze ans, construit et entretenu une domination illégale sur deux segments cruciaux de la publicité en ligne : les outils utilisés par les éditeurs pour vendre leurs espaces publicitaires et les systèmes de mise aux enchères qui orchestrent les transactions. Dans son arrêt de 115 pages, elle affirme sans ambages : « Ce comportement d’exclusion a non seulement privé les concurrents de toute possibilité réelle de rivaliser, mais a aussi causé un préjudice substantiel aux clients éditeurs de Google, au processus concurrentiel et, in fine, aux consommateurs d’information sur le web ouvert ».
Un jeu de dupes technologique
Mais comment Google en est-il arrivé là ? Par une combinaison méthodique de rachats stratégiques, de verrouillage contractuel et d’intégration forcée. Le ministère de la Justice américain (DOJ), qui a porté l’affaire avec plusieurs États, dénonce des pratiques de « tying » (couplage de services), où Google imposait l’usage simultané de plusieurs de ses outils, éliminant de fait toute concurrence. L’entreprise aurait, selon les juges, « manipulé les règles des enchères publicitaires » afin d’avantager systématiquement ses propres produits.
Abigail Slater, assistante du procureur général, est catégorique : « La domination illégale de Google lui permet de censurer et même de déraciner les voix américaines. [...] L'avis rendu aujourd'hui confirme la mainmise de Google sur la publicité en ligne et, de plus en plus, sur l'Internet lui-même ».
De son côté, Google se dit déterminé à se défendre. Dans une déclaration officielle relayée sur X, Lee-Anne Mulholland, la vice-présidente des affaires réglementaires de Google, déclare : « Nous avons gagné la moitié de cette affaire et nous ferons appel pour l'autre moitié. Les éditeurs ont de nombreuses options, et ils choisissent Google parce que nos outils technologiques sont simples, abordables et efficaces ».
Une accumulation de revers pour le géant de Mountain View
Cette décision n’est pas un coup isolé. Elle s’ajoute à deux précédentes condamnations pour monopole aux États-Unis : en août 2024 concernant le moteur de recherche, et en décembre 2023 à propos du Play Store. À chaque fois, c’est la logique d’intégration totale de Google qui est remise en question.
Le procès de septembre 2024, qui avait duré 15 jours, a mis en lumière la manière dont Google a utilisé sa taille et ses acquisitions pour étouffer ses rivaux. Et ce n’est pas fini : une audience est prévue la semaine du 21 avril 2025 à Washington, où le DOJ réclame ni plus ni moins que le démantèlement du navigateur Chrome.