Il est pratiquement impossible d’aborder sereinement la question de la place des microentrepreneurs dans le paysage entrepreneurial. Les réseaux sociaux débordent de messages souvent comminatoires qui reprennent en boucle de mêmes arguments biaisés. Ne doutons pas que les commentaires sous cette tribune en fourniront un nouvel exemple, même si sa lecture devait être menée à son terme.
Le fiasco de l’abaissement de la franchise en base de TVA des microentrepreneurs
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Published on 6 juin 2025 15h29

14 MILLIARDS €Les micro-entrepreneurs représentent un chiffre d’affaires de 14 milliards d’euros sur les six premiers mois de 2024.
Essayons-nous donc à cet exercice sous les premières lapidations.
Forts de 2,4 millions d’inscrits, les microentrepreneurs actifs se réduisent à 1,4 million dont 200.000 réalisent un CA annuel supérieur à 25.000€HT. Ils représentent aujourd’hui la moitié des TNS (Travailleurs Non-Salariés) cotisants à l’URSSAF sur la base de rémunérations mensuelles moyennes de 600€, aux côtés des entrepreneurs individuels, artisans et commerçants historiques sachant que seul un microentrepreneur sur trois exerce à temps plein. Leur taux de survie à cinq ans est de 22% contre 50% pour les autres structures.
A l’instar des indépendants classiques, ils sont présents sur l’ensemble du territoire et couvrent l’ensemble des champs professionnels, disséminés en micro-unités souvent exercées à domicile.
Et pourtant… c’est peu dire qu’ils ont su collectivement se mobiliser, qu’ils aient été potentiellement assujettis ou non à la TVA, se soutenant les uns les autres pour défendre ce qu’il ne faut plus considérer aujourd’hui comme un régime de nature sociale et fiscale mais comme un véritable statut à part entière, une modalité autonome d’exercice d’une activité commerciale, artisanale ou libérale. Ce fait est d’autant plus vrai que, à la surprise générale, le régime des microentrepreneurs entendus comme destiné à des personnes exerçant une activité de faible ampleur s’est avéré être largement diffusé auprès des structures exerçant sous forme de société.
Cette prise de conscience fût très douloureuse pour le gouvernement face à la bronca unanime de députés qui, hier encore, vouaient aux gémonies, qui ces travailleurs pauvres exploités par les plateformes numériques sous forme de salariat déguisé, qui la concurrence déloyale de ces fossoyeurs des entreprises de proximité… dont un grand nombre s’est révélé exercer en micro entrepreneuriat !
Par opportunisme politique ou véritable conviction nouvelle, rare sont les esprits critiques qui ont survécu dans un hémicycle où les retournements de veste ont soufflé en ouragan pour maintenir le statu quo ante par un vote dans la nuit du 2 juin dernier.
Un véritable fiasco pour un gouvernement qui avait pris soin d’engager un dialogue ouvert duquel aucun consensus n’a pu être dégagé dans cette guerre de tranchées entre « anti » et « pro ».
Ainsi, une nouvelle fois, les pouvoirs politiques, gouvernement comme Parlement, se sont exonérés d’une réflexion de fond sur les modalités sociales et fiscales d’exercice de l’ensemble des professionnels considérés comme « microentreprises » au sens de la loi, à savoir les structures de moins de 10 salariés.
Figurent parmi celles-ci les artisans du bâtiment composés pour moitié de microentrepreneurs et représentant 53.000 des 200.000 structures concernées par le projet initial d’abaissement du seuil de franchise en base de TVA à 25.000€. Dans ce secteur actuellement en souffrance extrême avec pour dernier avatar la suspension de Ma Prime Rénov’ utilisée par 80% des entreprises artisanales du bâtiment, la distorsion de concurrence est patente.
À force de naviguer à vue entre pression sociale, logique budgétaire et approximations politiques, on sacrifie toute ambition de clarification au profit de solutions de court terme. Seule une réforme globale, lisible et équitable du statut des très petites entreprises — incluant microentrepreneurs, artisans et indépendants — permettra de sortir de l’opposition stérile entre régimes et construire un environnement propice à la création d’activités durables.