Fausse IA : 700 développeurs en Inde codent à la main pour Builder.ai

lls disaient avoir inventé l’avenir du développement logiciel. En coulisses, ce n’était qu’une façade. Derrière une start-up britannique valorisée à plus d’un milliard d’euros, se cachait une armée de développeurs sous-payés et un scandale technologique d’ampleur mondiale.

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By Amandine Leclerc Published on 5 juin 2025 14h55
Indiens Exploités Fausse Ia
Fausse IA : 700 développeurs en Inde codent à la main pour Builder.ai - © Economie Matin

Builder.ai : la fausse IA au cœur d’un effondrement

Le 4 juin 2025, les révélations ont secoué le monde de la tech. L’entreprise Builder.ai, start-up britannique longtemps présentée comme pionnière de l’intelligence artificielle, s’est effondrée sous le poids d’un mensonge industriel. Officiellement, sa technologie IA baptisée Natasha permettait de générer automatiquement des applications sur mesure pour les entreprises. En réalité, c’étaient 700 développeurs en Inde qui réalisaient manuellement le travail, dans des conditions opaques.

Comme le révélait CNEWS, « l’IA mise en avant par la société n’était qu’une interface permettant à des humains d’effectuer le travail sans que les clients ne s’en rendent compte ».

L’affaire a exposé une technologie IA trompeuse, où le terme “automatisation” n’était qu’une illusion savamment orchestrée, un cas d’école de ce qu’on appelle désormais AI washing.

Des millions pour une illusion : l’envers du décor financier

Builder.ai avait tout pour séduire. Soutenue par Microsoft et la Qatar Investment Authority, elle avait levé plus de 445 millions de dollars et était valorisée à 1,5 milliard de dollars, soit près de 1,4 milliard d’euros. Mais en mai 2025, les investisseurs découvrent la supercherie.

Le fonds Viola Credit gèle alors 37 millions de dollars de liquidités, soupçonnant une fraude aux revenus 2024. Selon The Times of India, « Builder.ai avait promis 220 millions de dollars de chiffre d’affaires. L’audit a révélé seulement 50 millions. »

La plateforme Natasha n’était pas seulement une fausse IA, elle était aussi une machine à justifier des projections falsifiées. Pendant des années, l’entreprise aurait habillé ses bilans pour continuer à séduire les fonds.

Enquête pour blanchiment et procédure de faillite

Le 30 mai 2025, le nouveau PDG, Manpreet Ratia, alerte la justice américaine. Une enquête fédérale pour blanchiment d’argent est ouverte. Les procureurs de l’État de New York exigent les documents internes, les bases clients et les communications internes de Builder.ai.

D’après Business Standard, la société doit 85 millions de dollars à Amazon pour l’hébergement cloud, 30 millions à Microsoft, et fait face à une procédure de faillite aux États-Unis et au Royaume-Uni. Environ 1 000 personnes ont été licenciées.

Des signaux ignorés depuis 2019

Le scandale n’est pas sorti de nulle part. En 2019 déjà, le Wall Street Journal pointait les incohérences de Builder.ai. Et un ancien cadre, Robert Holdheim, avait intenté un procès de 5 millions de dollars, affirmant que la technologie n’était « rien d’autre qu’un rideau de fumée ».

Comme le rapporte The Times of India,:« Builder.ai disait que ses applications étaient générées à 80 % par l’IA, alors que cette technologie n’était même pas en développement. »

Une exploitation à grande échelle dissimulée par le mythe technologique

La dimension humaine du scandale est tout aussi édifiante. Les développeurs en Inde travaillaient dans des conditions très éloignées des standards éthiques internationaux. 20 Minutes, 4 juin 2025 révèle que ces salariés étaient « payés une fraction du salaire moyen européen », sans droit à la syndicalisation ni garantie sociale. Il s’agit d’une exploitation directe, maquillée sous des discours d’innovation.

Un scandale tech de plus, ou le symptôme d’un modèle à bout de souffle ?

Le scandale tech au Royaume-Uni soulève des questions majeures sur la régulation de l’intelligence artificielle et des start-ups. Comment une plateforme fondée sur une fausse IA a-t-elle pu lever des centaines de millions d’euros sans qu’aucun régulateur ne s’interroge ? Pourquoi les grands investisseurs, comme Microsoft, n’ont-ils pas exigé de preuves concrètes de fonctionnement ?

Ce naufrage révèle la force de la narration dans l’écosystème start-up, où un storytelling bien ficelé vaut parfois plus qu’une réelle innovation technologique. Builder.ai n’est peut-être pas une exception : il est le miroir d’un système bâti sur l’opacité et l’hypervalorisation.

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