Un vent d’agacement souffle sur l’univers scintillant de la fast-fashion. Une secousse fiscale surprise, des accusations explosives, un front uni des commerçants français… et deux géants chinois dans le viseur. Mais que se passe-t-il donc dans les coulisses de la fast-fashion en France ?
Fast-fashion : les colis taxés, les sites bientôt déréférencés ?

Le 30 mai 2025, le Sénat français a voté une mesure aussi inattendue que spectaculaire : une taxe spécifique sur les petits colis de vêtements bon marché expédiés depuis l’étranger, visant frontalement les champions de la fast-fashion. Shein, Temu, AliExpress : ces plateformes aux prix dérisoires pourraient bien voir leur modèle de livraison directe ébranlé par une fronde à la fois politique, économique et réglementaire.
Fast-fashion : une taxe sénatoriale qui cible les colis invisibles
Une taxe surprise qui fait grand bruit. Lors de l’examen du projet de loi « industrie verte », les sénateurs ont adopté une disposition visant à taxer les colis contenant des vêtements bon marché envoyés directement depuis l’étranger. D’après Les Échos, cette taxe pourrait atteindre jusqu’à 10 euros par colis, une véritable onde de choc pour les plateformes reposant sur la livraison directe à l’unité. Objectif affiché : restaurer une équité entre les plateformes numériques étrangères et les commerçants installés sur le territoire français, soumis à des obligations environnementales, fiscales et sociales plus strictes.
Pour le sénateur écologiste Guillaume Gontard, cité par Les Échos : « Il y a une vraie inégalité de traitement entre des plateformes qui contournent les règles et les entreprises françaises. Il faut corriger ça ». Le message est clair : fini les « petits paquets » qui échappent à la fiscalité classique. La fast-fashion va devoir payer son ticket d’entrée sur le sol français.
Fast-fashion : le commerce français exige le déréférencement pur et simple
Mais le coup de semonce ne vient pas seulement du Sénat. Le 3 juin 2025, une coalition inédite regroupant les principales fédérations du commerce français (dont la Fédération nationale de l’habillement, la Fédération du commerce et de la distribution et le Conseil du commerce de France) a réclamé le déréférencement immédiat de Shein, Temu et parfois même AliExpress. Motif ? Une avalanche de manquements réglementaires, appuyée par des chiffres pour le moins alarmants.
Comme l’a révélé RMC, les taux de non-conformité relevés par la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) frôlent des sommets vertigineux : « jusqu’à 95 % » pour certaines catégories de produits proposés par Shein ou Temu. Pire, certains articles relèveraient de la contrefaçon, voire seraient potentiellement dangereux pour la santé des consommateurs.
La Fédération du commerce accuse : « Ces entreprises utilisent le numérique pour contourner les règles européennes, y compris fiscales, et se livrent à une concurrence déloyale intolérable », détaille 20 Minutes. Ce front commun s’adresse directement au gouvernement pour utiliser tous les leviers législatifs à disposition, y compris ceux prévus par la loi du 24 août 2021 contre les contenus illicites.
Taxe, déréférencement, pression politique : la fast-fashion face à un mur français
Cette double offensive – fiscale et sectorielle – n’est pas une première. Une taxe spécifique sur l’habillement existe déjà en France depuis 2004. Elle prévoit un prélèvement de 0,0675 % sur la valeur en douane des produits textiles provenant de pays tiers, mais elle n’avait jusqu’ici qu’un impact limité. Le vote sénatorial du 30 mai 2025 change radicalement la donne, en visant désormais le colis lui-même comme objet fiscal, et non plus la seule marchandise.
Et la pression s’intensifie. Le Conseil du commerce de France réclame désormais l’extension des mécanismes de contrôle douanier à tous les colis e-commerce, une surveillance renforcée des plateformes, et des sanctions immédiates pour les vendeurs hors-la-loi.
Face à ces attaques, Shein tente de reprendre la main. Dans une déclaration relayée par Franceinfo le 3 juin 2025, Quentin Ruffat, porte-parole de Shein France, se défend : « Nous investissons cette année 13 millions d’euros pour la sécurité et la conformité des produits vendus sur notre plateforme ». Suffisant pour apaiser la colère tricolore ? Rien n’est moins sûr.
Fast-fashion : une rupture de modèle en marche ?
Au-delà du simple conflit commercial, c’est tout un modèle logistique et fiscal qui est remis en question. La fast-fashion en ligne s’est appuyée depuis dix ans sur un système ultra-réactif, sans stocks, avec des micro-expéditions directes depuis la Chine, échappant largement aux contrôles traditionnels. Ce système est désormais dans le viseur de la puissance publique française, avec en ligne de mire un alignement des règles du jeu.
Dans une déclaration choc publiée par Sud Ouest, un représentant de la Fédération nationale de l’habillement assène : « Nous ne pouvons plus laisser prospérer un système qui détruit les emplois, nuit à la planète et met en danger les consommateurs, tout ça au nom du clic pas cher. »
La fast-fashion bientôt déconnectée ?
L’arme fiscale d’un côté. L’arme réglementaire de l’autre. Le modèle fast-fashion pourrait bien vivre ses premières véritables secousses structurelles sur le marché français. Si le gouvernement suit les appels au déréférencement et que la nouvelle taxe par colis entre effectivement en vigueur, les consommateurs français risquent de voir leurs colis bon marché s’alourdir sérieusement à l’arrivée.
Pour une robe à 5 euros commandée sur Temu, combien demain avec la taxe, les frais de conformité et une éventuelle TVA ? La réponse risque de refroidir l’addiction à l’achat compulsif.