Facture de l’électricité : un impôt déguisé pour les petits foyers ?

Derrière l’apparente neutralité de la réforme tarifaire prévue au 1er août 2025, une question se pose : le tarif réglementé EDF devient-il un levier fiscal indirect qui pénalise les foyers modestes au nom d’un équilibre budgétaire énergétique ?

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By Amandine Leclerc Last modified on 16 juin 2025 17h26
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Facture de l’électricité : un impôt déguisé pour les petits foyers ? - © Economie Matin
20 % de TVA À partir du 1er août, la TVA sur l’abonnement EDF grimpe à 20 %, entraînant une hausse incompressible de plus de 20 € par an pour les foyers équipés d’un compteur 6 kVA.

Le 1er août 2025, le tarif réglementé de l’électricité subira un bouleversement majeur. À première vue, les deux mesures phares – +13 % sur l’abonnement, -2 % sur le prix du kWh – peuvent sembler s’équilibrer. Mais à y regarder de plus près, cette réforme agit comme un mécanisme de transfert économique silencieux, aux conséquences inégalitaires. Une fiscalité cachée s’installe, notamment via une hausse brutale de la TVA appliquée à l’abonnement, comme l’explique en détail Selectra.

L’abonnement, levier fiscal sous-estimé

Jusqu’à présent, la TVA sur la part fixe de l’abonnement était maintenue à un taux réduit. À compter du 1er août, elle passera à 20 %, ce qui explique en partie la hausse spectaculaire de +13 % annoncée par EDF. L’impact est d’autant plus fort qu’il s’agit d’un coût incompressible, payé même par les foyers aux consommations les plus basses. Pour une puissance de 6 kVA, typique des ménages moyens, la hausse représente plus de 20 € par an.

Sur les 20,4 millions de foyers encore concernés par le tarif réglementé EDF, ce sont ceux qui consomment peu – étudiants, résidences secondaires, locataires urbains – qui verront leur facture grimper, alors qu’ils sont les moins responsables des pics de demande ou des tensions réseaux.

Un mécanisme redistributif inversé

La baisse du prix du kWh (-2 %) est certes bienvenue, mais elle bénéficie davantage aux foyers fortement équipés (chauffage électrique, piscine, véhicule électrique). Ainsi, la réforme opère un transfert de charges : ce sont les profils modestes qui subventionnent, indirectement, les profils énergivores.

Selon les calculs de Selectra, le ménage moyen (option Base, 6 kVA, 4 500 kWh/an) connaîtra une hausse modérée de 0,4 % sur sa facture annuelle. En revanche, un petit consommateur (moins de 1 000 kWh/an) pourrait voir sa facture grimper de plus de 5 %.

Une fiscalité implicite, invisible mais puissante

L’effet cumulatif de cette réforme n’est pas seulement tarifaire : il est fiscal. Le choix d’augmenter l’abonnement – composante fixe et obligatoire – constitue une forme d’impôt indirect, qui échappe à la progressivité habituelle de la fiscalité sur le revenu. C’est un cas d’école d’externalité économique, où le coût d’un bien de première nécessité (l’électricité) est modulé pour soutenir des objectifs budgétaires.

Le poids de la TVA, combiné au TURPE (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité), représente désormais près de 40 % de la facture globale, selon les grilles publiées par EDF Solutions Solaires. La part de la fourniture d’électricité elle-même continue de diminuer dans la composition du prix final.

Comparaison internationale : la France dans la moyenne haute

Dans l’UE, la France se situe désormais dans la fourchette haute des prix de l’électricité résidentielle, avec des coûts moyens supérieurs à 0,23 €/kWh TTC selon les options. Et si la baisse du kWh annoncée en août atténue cette tendance, elle ne compense pas l’envolée des coûts fixes, comme le confirme encore Selectra.

D’autres pays ont opté pour des subventions ciblées, ou une progressivité des tarifs, à l’image de l’Espagne ou de l’Allemagne, qui taxent davantage les très hauts niveaux de consommation.

Ainsi, la réforme du tarif réglementé au 1er août 2025 soulève une problématique rarement posée : l’électricité, bien de base, devient-elle une variable d’ajustement fiscale ? Loin de la neutralité affichée, cette évolution tarifaire agit comme un instrument économique, renforçant les inégalités plutôt que de les corriger. Une nouvelle illustration de la complexité croissante de la politique énergétique française, entre incitation, contrainte et fiscalité masquée.

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