Les États-Unis veulent créer des vaccins universels pour contrer plusieurs virus

Le gouvernement des États-Unis a annoncé, le 1er mai, un investissement de 500 millions de dollars, soit environ 466 millions d’euros, dans un projet de vaccins dits « universels ». Cette initiative, portée par le Département américain de la Santé (Department of Health and Human Services – HHS) et les National Institutes of Health (NIH), intervient dans un contexte mondial toujours marqué par la méfiance vaccinale et les séquelles de la pandémie de Covid-19. Et c’est un paradoxe monumental qui l’accompagne, à la tête de ce virage vaccinal, Robert F. Kennedy Jr., l’un des visages de la mouvance vaccino-sceptique aux États-Unis.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 5 mai 2025 15h00
Les États-Unis misent sur des vaccins universels pour contrer plusieurs virus
Les États-Unis veulent créer des vaccins universels pour contrer plusieurs virus - © Economie Matin

Vers une nouvelle génération de vaccins ?

Les États-Unis viennent de débloquer 500 millions de dollars pour le développement de ce qu’ils appellent des "vaccins universels", censés fournir une protection contre plusieurs souches d’un même virus, notamment la grippe et les coronavirus. Ce programme, baptisé "Next-Generation Universal Vaccine Platform for Pandemic-Prone Viruses", est piloté par le NIH et soutenu par le HHS, deux piliers de la santé publique fédérale. Selon un communiqué officiel du NIH, cette initiative vise à anticiper les futures pandémies en concevant des vaccins à large spectre, capables de neutraliser les mutations virales les plus imprévisibles.

Le document mentionne deux prototypes prioritaires : BPL-1357 et BPL-24910, des candidats-vaccins destinés à cibler plusieurs variants de la grippe et du coronavirus, dont les versions H5N1 (grippe aviaire), SARS-CoV-2, SARS-CoV-1 et MERS-CoV. La chercheuse Penny Ward, professeure en médecine pharmaceutique au King’s College de Londres, souligne dans des propos rapportés par France 24 que : « C’est une somme tout à fait confortable pour ce type de recherche et doit probablement également inclure la construction de site de fabrication pour ces vaccins ».

Des vaccins universels pour couvrir un large spectre de virus

Ce terme de "vaccins universels" fait déjà grincer des dents dans les laboratoires. Lindsay Broadbent, virologue à l’Université de Surrey, préfère parler de "vaccins à large spectre", estimant que le terme universel peut prêter à confusion. En effet, l’objectif n’est pas de concocter un sérum magique contre tous les virus, mais de couvrir un spectre étendu de variants au sein d’un même type viral, comme les différentes souches grippales. Le défi est de taille. La grippe reste un "grand mutant", pour reprendre l’expression de Peter Openshaw, immunologue à l’Imperial College de Londres.

Même si les scientifiques parviennent à développer un vaccin apte à s’ajuster aux diverses variantes de la protéine ciblée, «  encore faudra-t-il voir s’il reste efficace au fur et à mesure des mutations du virus », résume Estanislao Nistal Villán, virologue à l’Université San Pablo CEU de Madrid. Malgré des décennies de recherche, les résultats concrets sont restés marginaux. La recherche contre la grippe, notamment, s’est longtemps heurtée à la diversité et à la plasticité génétique des souches A et B, en particulier des variants H1N1 et H5N1. Les vaccins actuellement utilisés, calibrés chaque année selon les prédictions de l’OMS, offrent une efficacité souvent inférieure à 50 %.

Quand un vaccino-sceptique lance un programme vaccinal fédéral

Et c’est là que l’histoire bascule dans l’absurde. À la tête de ce projet sanitaire colossal se trouve Robert F. Kennedy Jr., récemment nommé secrétaire américain à la Santé. L’homme s’est illustré par des propos complotistes associant les vaccins à l’autisme et s’est montré silencieux face aux résurgences de rougeole chez les enfants non vaccinés aux États-Unis.

Et pourtant, c’est lui qui supervise désormais un programme vaccinal de 500 millions de dollars. Ce renversement idéologique est salué avec prudence par les scientifiques. Paul Hunter, professeur à l’université East Anglia, concède dans des propos rapportés par France 24 : « C’est un peu bizarre qu’une telle initiative soit prise par quelqu’un comme Robert F. Kennedy Jr., mais tant que la recherche est réellement menée, ne boudons pas notre plaisir ».

Mais tout n’est pas rose dans cette générosité fédérale. Le financement ne transite pas par les canaux scientifiques habituels. Il privilégie des équipes proches de l’administration Trump, comme celle du virologue Matthew Memoli, aujourd’hui co-directeur du NIH. Cette approche politique de la recherche inquiète les experts. Peter Openshaw dénonce ainsi sur la chaîne d'informations : « La bonne manière de procéder aurait été d’injecter ces fonds dans le circuit traditionnel de la recherche médicale [...] et non pas allouer ces fonds pour des raisons politiques ».

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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