Émissions de CO2 : quand l’économie dicte le climat

Derrière la baisse annoncée des émissions de CO2 en France se cache une réalité dérangeante : ce n’est pas une transition écologique qui est à l’œuvre, mais un ralentissement économique. L’Insee l’affirme dans son dernier rapport : le climat progresse… parce que l’économie patine.

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By Amandine Leclerc Last modified on 19 juin 2025 17h40
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Émissions de CO2 : quand l’économie dicte le climat - © Economie Matin
5%Pour atteindre les objectifs de la SNBC-3, la baisse annuelle des émissions devrait s’élever à 5 %.

Le climat à la merci du cycle économique

Pour la première fois, l’Insee fournit des données détaillées sur les émissions de gaz à effet de serre. Selon l’institut, les émissions devraient baisser de 1,3 % en 2025, soit 5,3 millions de tonnes équivalent CO2. À première vue, c’est une bonne nouvelle. Mais cette réduction s’explique surtout par une baisse d’activité dans les secteurs industriels les plus polluants, comme la chimie, la métallurgie ou le ciment.

Autrement dit, la baisse des émissions découle d’un ralentissement économique, et non de gains structurels issus de politiques publiques. Cette dynamique est problématique pour une économie qui vise la neutralité carbone sans sacrifier sa compétitivité.

Pas de découplage : la croissance reste carbonée

L’un des enseignements majeurs du rapport de l’Insee, c’est la démonstration que le lien entre croissance et émissions reste fort en France. À rebours du discours sur la « croissance verte », les modélisations de l’institut montrent que les émissions ne diminuent que lorsque l’activité ralentit.

C’est une impasse pour les politiques économiques. Car pour atteindre les objectifs de la SNBC-3, la baisse annuelle des émissions devrait s’élever à 5 %.

Les ménages et l’énergie, deux angles morts économiques

La stabilité des émissions des ménages en 2025, selon l’Insee, illustre une autre limite du modèle français. Le chauffage résidentiel baisse légèrement (-0,9 %), mais les émissions liées à la mobilité routière repartent à la hausse (+0,9 %). La fiscalité verte, les aides à la rénovation thermique et les incitations à la mobilité propre ont été insuffisantes, voire fragilisées par des arbitrages budgétaires récents.

Du côté de l’énergie, la contribution à la baisse des émissions s’érode. Après des performances historiques en 2024, la production nucléaire se stabilise, et la production fossile d’électricité a atteint ses limites de réduction. Le potentiel d’amélioration se tarit. Et aucun plan massif de remplacement n’a encore émergé.

Un pilotage économique sans boussole climatique

Le Citepa observe une baisse plus prononcée en 2024 (-1,8 %), mais le diagnostic reste le même : la réduction des émissions est dictée par le contexte économique, non par une politique de long terme.

Cela révèle une faille dans la stratégie économique nationale : l’absence de pilotage carbone intégré à la planification économique. Le budget, la fiscalité, l’investissement public et les priorités industrielles sont encore largement décorrélés de l’objectif climatique.

Une économie du CO2 encore à inventer

Ce que met en lumière l’Insee, ce n’est pas seulement un écart entre objectifs et résultats. C’est l’absence d’un modèle économique capable de concilier activité et sobriété carbone. Tant que la baisse des émissions dépendra du ralentissement, la transition écologique restera un sous-produit de la crise – et non un projet de croissance.

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