Une voiture électrique au sein de la plus célèbre écurie italienne ? Ferrari s’apprête à franchir ce cap avec une précision toute mécanique. Pas d’effusion, mais une mutation préparée dans le détail, à Maranello.
Elettrica : la voiture électrique de Ferrari à 500 000€

Le 9 octobre 2025, Ferrari dévoilera officiellement sa première voiture entièrement électrique, lors du Capital Market Day organisé dans son siège emblématique de Maranello. L’annonce, faite le 16 avril, ne tombe pas du ciel : elle concrétise une stratégie longuement murie. Ferrari, pionnière involontaire de la combustion noble, amorce une mue électrique avec une ambition intacte : rester l’étalon maître du luxe automobile, quel que soit le carburant.
Ferrari Elettrica : une mutation sans renoncement
Le modèle s’appellera sobrement Elettrica. Sans effets de manche. Un choix assumé, à l’image d’un constructeur qui préfère l’ingénierie à l’esbroufe. Ce nom, déposé officiellement en Italie dès 2021, désigne le tout premier véhicule zéro émission de la marque au cheval cabré.
Mais cette voiture, encore invisible au grand public, en dit déjà beaucoup. Codée F244, elle repose sur une plateforme inédite, avec une ligne allongée, plus basse que celle du SUV Maserati Levante qui a servi de mule pour les premiers tests hivernaux en Suède. Les paparazzis industriels n’ont rien raté, malgré le camouflage. Et sous la coque, une stratégie transparaît : concevoir une Ferrari qui reste une Ferrari, même sans piston.
Un prix élitiste, une cadence restreinte, une ambition intacte
Le tarif annoncé donne le ton : 500 000 euros, au minimum. À ce prix-là, il ne s’agit pas de volume, mais de statut. Ferrari n’a jamais voulu être Tesla. En interne, les projections tablent sur 5 % des ventes dès 2026, soit environ 688 exemplaires sur les quelque 13 752 véhicules écoulés en 2024. Un chiffre discret, mais suffisant pour installer l’Elettrica dans le paysage tout en évitant de diluer la valeur perçue.
Le modèle sera assemblé à Maranello, dans une unité flambant neuve baptisée « e-building », inaugurée en juin 2024. Là-bas, tous les composants électriques clés, moteurs, essieux, onduleurs, sont fabriqués à la main, selon le président John Elkann : « Désormais, nous pouvons également affirmer que tous nos composants électriques clés sont développés et fabriqués à la main à Maranello ». La seule concession : la fourniture des cellules de batteries, externalisée au sud-coréen SK, déjà partenaire sur les modèles hybrides.
Mais Ferrari veut plus que de la performance. Elle veut de l’émotion. La question du son, vitale dans l’imaginaire Ferrari, a été abordée avec un sérieux obsessionnel. Une sonorité artificielle a été mise au point, inspirée du V8 maison. Elle ne sera pas authentique, mais elle sera fidèle.
Un virage stratégique sans demi-tour
Ferrari n’arrive pas dans l’électrique par accident. Dès 2009, la Scuderia introduisait le système KERS en Formule 1, prélude à l’hybridation de ses modèles routiers. En 2013, la LaFerrari intégrait un moteur V12 et une récupération d’énergie façon Hy-KERS. En 2019, la SF90 Stradale marquait l’entrée officielle dans la technologie hybride rechargeable.
John Elkann, encore, rappelle la chronologie : « L’électrification est une voie que nous suivons depuis des décennies, en commençant par la Formule 1, puis de nos voitures de course à nos voitures de sport ». En 2024, les modèles hybrides représentent 51 % des ventes de la marque. Rien de précipité. Rien d’improvisé.
La stratégie est claire : proposer les trois motorisations (essence, hybride, électrique), comme l’a confirmé Benedetto Vigna, directeur général : « Conformément à notre stratégie, nous continuons d'investir dans ces trois types de motorisations (...) afin d'offrir à nos clients une liberté de choix maximale ».
Ferrari face à la concurrence : la solitude des précurseurs
Pendant que Lamborghini reporte son Lanzador à 2029, Ferrari assume le choc. À Maranello, on ne recule pas sous prétexte que le marché doute. Stephan Winkelmann, PDG de la firme de Sant’Agata Bolognese, évoque un marché « pas prêt pour des sportives électriques ». Ferrari, elle, préfère croire que le luxe, c’est aussi d’oser seul. Et surtout d’avoir raison avant les autres.
Par contraste, Porsche inonde déjà les routes avec son Taycan, à des prix quatre fois inférieurs. Mais là encore, la comparaison s’arrête à la propulsion. Ferrari vise une autre sphère : celle de la performance artisanale, du prestige manufacturé, du frisson calibré.