Électricité : le nucléaire français rapporte des milliards

L’année 2024 change la donne pour la production électrique en France et en Europe. Tandis que la crise énergétique de 2022 semble désormais derrière nous, la dynamique des prix, des échanges et du mix énergétique révèle des évolutions majeures. Avec un record historique d’exportations, une production nucléaire rétablie et des prix en nette baisse, la France semble plus que jamais s’imposer comme un acteur clé du marché électrique européen.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 6 février 2025 6h30
Production électrique en France : un mix énergétique qui évolue mais qui reste dominé par le nucléaire
Production électrique en France : un mix énergétique qui évolue mais qui reste dominé par le nucléaire - © Economie Matin
98%La France exporte son électricité 98% du temps.

En 2024, la production électrique française a atteint un niveau record, avec une part inédite de 95 % d'énergie bas-carbone, incluant le nucléaire et les renouvelables. Cette performance s'accompagne d'une intensité carbone réduite de près de 30 % par rapport à 2023, positionnant la France parmi les pays les moins émetteurs au monde.

Production électrique en France : un mix énergétique qui évolue mais qui reste dominé par le nucléaire

Une électricité de plus en plus décarbonée

En 2024, la France a produit une électricité largement bas carbone, selon les informations de RTE. Grâce au retour en force du nucléaire après les difficultés de 2022, à une production hydraulique exceptionnelle et à une montée en puissance des renouvelables, le pays affiche une production record. Le mix énergétique français repose principalement sur :

  • Nucléaire : toujours en tête avec plus de 60 % du mix.
  • Hydraulique : boosté par une année favorable en précipitations.
  • Éolien et solaire : en progression, mais encore insuffisants pour compenser les périodes de forte demande.
  • Thermique fossile : en recul, avec un rôle marginal limité aux pointes de consommation.
Source d’énergie Part du mix énergétique en 2024 Évolution par rapport à 2023
Nucléaire ≈ 60 % Hausse (redressement du parc)
Hydraulique ≈ 12-15 % Forte hausse (année humide)
Éolien ≈ 10-12 % Croissance modérée
Solaire ≈ 8-10 % Croissance modérée
Thermique fossile ≈ 5-7 % En recul (faible utilisation)

Une production excédentaire qui alimente l’Europe

Avec 101,3 TWh d’électricité exportés en 2024, la France renoue avec son rôle de "batterie de l’Europe". Cette performance s’explique par des coûts de production compétitifs et une faible demande intérieure. Le pays est exportateur net 98 % du temps, une situation qui tranche avec 2022, où il avait brièvement dû importer davantage qu’il ne produisait.

Échanges d’électricité : la France, leader européen des exportations

Un solde commercial record

En 2024, le solde net des échanges d’électricité de la France atteint +89 TWh, battant le précédent record de 76 TWh en 2002. Cette situation est rendue possible par la compétitivité de l’électricité française, notamment en comparaison avec l’Allemagne, où les prix restent plus élevés.

Les principaux partenaires commerciaux de la France en matière d’électricité sont :

Pays importateur Part des exportations françaises
Italie 32 %
Allemagne 18 %
Belgique 15 %
Royaume-Uni 7 %
Portugal 6 %

La capacité d’exportation française a été particulièrement exploitée aux heures creuses et en période estivale, lorsque la consommation intérieure est moindre et que les productions renouvelables en Europe sont plus élevées.

Pays partenaire Exportations vers ce pays (TWh) Importations depuis ce pays (TWh) Solde des échanges (TWh)
Italie 32 <0,1 +32,0
Allemagne/Belgique 31,3 4,1 +27,2
Royaume-Uni 20,9 0,8 +20,1
Suisse 17,4 0,7 +16,7
Espagne 9,4 6,6 +2,8
Total France 101,3 12,3 +89,0

Une valorisation économique en forte hausse

Le marché européen a permis à la France de vendre son électricité à bon prix, portant la valorisation totale des exportations à 5 milliards d’euros en 2024. Une somme non négligeable, mais qui reste faible en comparaison des 64 milliards d’euros dépensés pour l’importation de combustibles fossiles. En d’autres termes, si la France brille par ses exportations d’électricité, elle demeure tributaire des énergies fossiles pour d’autres usages énergétiques.

Prix de l’électricité : une accalmie après la tempête

Des prix en forte baisse

Après la flambée des prix en 2022, l’année 2024 confirme un net repli. Le prix spot moyen en France s’établit à 58 €/MWh, en recul par rapport aux 97 €/MWh de 2023 et aux 276 €/MWh de 2022. Cette baisse s’explique par :

  • Une abondance de production nucléaire et hydraulique.
  • Une consommation intérieure encore inférieure aux niveaux pré-COVID.
  • La baisse du prix du gaz, qui influence mécaniquement les marchés de gros.

Fait notable, le prix spot français a été inférieur aux coûts variables des centrales thermiques 71 % du temps. Autrement dit, les producteurs thermiques ont souvent vendu à perte ou ont dû réduire leur activité, au profit du nucléaire et des renouvelables.

Année Prix spot moyen en France (€/MWh) Variation par rapport à l’année précédente
2022 276 Forte hausse (crise énergétique)
2023 97 Forte baisse (-65 %)
2024 58 Nouvelle baisse (-40 %)

L’augmentation des prix négatifs de l'électricité

Un effet secondaire de cette abondance énergétique est l’augmentation des prix négatifs. En 2024, on enregistre 359 heures à prix négatif, soit deux fois plus qu’en 2023. Ces périodes de prix négatifs surviennent principalement :

  • Les nuits et week-ends au printemps et en été (faible demande + forte production solaire et éolienne).
  • En période de production nucléaire excédentaire.

Pour limiter ces occurrences, la France devra renforcer la flexibilité du réseau et les capacités de stockage, notamment avec le développement du pilotage de la demande et de la recharge intelligente des véhicules électriques.

Année Nombre d’heures à prix négatif Part du temps total
2023 ≈ 180 ≈ 2 %
2024 359 4 %

L’année 2024 marque un retour en force de la France sur la scène énergétique européenne. Avec une électricité bas carbone, compétitive et abondante, elle se positionne comme un exportateur clé du marché. Mais cette situation ne doit pas masquer les défis à venir : adapter le réseau aux énergies renouvelables, renforcer la résilience face aux fluctuations de prix et sécuriser l’avenir du nucléaire.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

2 comments on «Électricité : le nucléaire français rapporte des milliards»

  • ERNST

    Juste deux précisions:
    _La production de l’éolien à reculé de 8,4% malgré une croissance de la puissance installée. Les chiffres incomplets de RTE donnent une croissance de 6,6% de la puissance, en attente de chiffres définitifs.
    _ Le prix de vente de l’électricité exportée est très inférieur au prix d’achat des énergies renouvelables par EDF: Selon la CRE : 100,8€ pour l’électricité éolienne terrestre et 187,9€ pour l’offshore, 244,1€ pour le photovoltaïque. Ces 3 sources représentent 69,9 TWh soit pratiquement 78% de nos exportations opérées à un prix inférieur (56€). Conclusion, les Français paient pour la décarbonantion de leurs voisins. Faut-il se réjouir des ces 5 milliards d’export?…

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  • Santin

    Bonjour,
    On est des bons électriciens mais on est des mauvais commerçants : On a importé quand le Mkv/h valait 276 € et on exporte quand il vaut 58 € ???

    Répondre
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