Longtemps présentée comme un atout national, l’électricité française n’est plus le rempart tarifaire qu’elle a été pour les ménages comme pour l’industrie. En cinq ans, la facture a explosé, fragilisant le pouvoir d’achat des foyers et la compétitivité des entreprises, désormais confrontées à des prix prohibitifs. Ce renchérissement, symptôme d’une politique énergétique européenne pilotée à l’idéologie, expose l’économie française à un risque majeur de désindustrialisation et de perte d’emplois.
Prix de l’électricité française : de l’atout au fardeau

Un prix du kilowattheure pas si compétitif pour les ménages…
Longtemps, la France a cultivé le mythe d’une électricité abondante et accessible, fruit de son parc nucléaire développé depuis les années 1970. Cette politique avait permis, pendant plusieurs décennies, de garantir aux ménages un prix du kilowattheure parmi les plus bas d’Europe occidentale, tout en assurant une relative stabilité face aux fluctuations du marché mondial de l’énergie. Cette image d’Épinal, largement entretenue par les pouvoirs publics, a forgé la conviction que l’électricité française resterait durablement bon marché. Or les chiffres des dernières années et une rapide étude comparative avec le reste du monde battent en brèche ce récit.
Le tarif réglementé du kilowattheure (Tarif Bleu EDF) s’établit aujourd’hui à 0,2016 € TTC, un niveau historiquement élevé selon les données publiées en mars 2025. Cette évolution place la France bien au-dessus de la moyenne mondiale, qui s’établit à 0,150 € par kWh, et la distance encore davantage de la Chine, où le prix plafonne à 0,075 €, ou même des États-Unis, à 0,179 € le kilowattheure. Cette inflation se traduit concrètement dans le budget des ménages : la facture annuelle moyenne atteint désormais 1 719 €, contre 1 312 € en 2020, soit une hausse de 405 € en l’espace de cinq ans. Pour les familles françaises, l’électricité n’est plus ce bien accessible et protégé, mais devient un poste de dépense de plus en plus lourd, révélant les limites d’un modèle énergétique longtemps présenté comme exemplaire.
… et qui devient un calvaire pour l’industrie
Face à la flambée persistante des prix de l’électricité – malgré le répit observé en février –, le président du Medef, Patrick Martin, a exhorté l’État et EDF à garantir des tarifs compétitifs pour les industriels français, réclamant un plafond de 50 €/MWh, bien en-deçà des projections officielles. Devant le Sénat, il a souligné que l’attractivité et la réindustrialisation du pays étaient directement menacées par la cherté et l’instabilité des contrats actuels, qui pèsent lourdement sur les entreprises, en particulier les PME. Selon une récente enquête du Medef, plus de la moitié des sociétés paient l’électricité à des niveaux jugés prohibitifs, freinant investissements et projets industriels. Dans ce contexte d’incertitude, le patronat presse le gouvernement de conclure rapidement des accords de long terme pour sécuriser des conditions tarifaires soutenables, condition sine qua non du renouveau industriel français.
En attendant, cette crise tarifaire s’inscrit dans un contexte européen marqué par une politique énergétique que d’aucuns jugent incohérente et contre-productive. Comme le souligne la journaliste Emmanuelle Ducros, l’Europe affiche une volonté de décarbonation mais s’enlise dans des choix idéologiques, entre la sur-subvention des énergies renouvelables d’une part et la sortie des énergies fossiles sans alternative réaliste susceptible de préserver le pouvoir d’achat des consommateurs de l’autre, le tout aggravé par le refus allemand du nucléaire. Ce système, loin de favoriser la compétitivité et la transition industrielle, expose les entreprises européennes à des coûts élevés et à une insécurité énergétique chronique, comme en témoignent les coupures d’électricité massives en Espagne et au Portugal au printemps 2025.
Le cas récent d’ArcelorMittal illustre bien cette impasse. Malgré des investissements massifs pour produire de l’acier « vert » en France, le géant sidérurgique se heurte aux prix élevés de l’électricité qui rendent inabordable l’hydrogène nécessaire à la décarbonation de son activité – la production d’hydrogène étant très consommatrice d’électricité. L’entreprise se retrouve ainsi face à un dilemme absurde : délocaliser sa production ou importer de l’hydrogène de Chine, faute de conditions économiques viables sur le territoire français. Cette situation n’est pas théorique : ArcelorMittal a déjà annoncé la suppression de plus de 600 postes sur sept sites du nord de la France, ainsi que la fermeture de plusieurs usines, et envisage de transférer jusqu’à 1 800 emplois de fonctions support vers l’Inde et la Pologne.