Le 1er avril 2025, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a publié une mise à jour monumentale sur l’économie de la mer à l’horizon 2050. Ce secteur, que beaucoup réduisent à la pêche et au tourisme balnéaire, est en réalité une machine mondiale de production de valeur, d’emploi et de ressources stratégiques. Et ses ambitions pour les prochaines décennies ont de quoi donner le vertige.
L’économie de la mer : la cinquième puissance fantôme ?

Tour d’horizon d’une géante liquide : l’économie de la mer en chiffres
Si l’économie de la mer formait un État, elle serait aujourd’hui la cinquième puissance économique mondiale. Selon l’OCDE, sa contribution au produit brut mondial était estimée à 2.600 milliards de dollars en 2020, soit 3% à 4% de la valeur ajoutée brute mondiale. Ce poids équivaut à près de 2.400 milliards d’euros, un chiffre à comparer avec des économies comme celle de la France ou de l’Allemagne.
Mais la mer ne se contente pas d’engranger des milliards : elle emploie. Jusqu’à 151 millions d’emplois équivalents temps plein (ETP) en 2006, selon le même rapport. Même si la pandémie de Covid-19 a provoqué une chute brutale à 101 millions d’ETP en 2020, une reprise est observée depuis. Et la dynamique ne semble pas prête de s’arrêter : « Si les tendances historiques se poursuivent, l'économie de la mer pourrait être près de quatre fois plus grande en 2050 qu'en 1995 », peut-on lire dans le rapport The Ocean Economy to 2050 de l'OCDE.
L’économie de la mer : au-delà des clichés
À ceux qui imaginent encore que la mer se résume à quelques filets de pêche ou à des transats en bord de plage, la réalité est autrement plus robuste. Les deux locomotives du secteur sont le tourisme marin et côtier et l’extraction offshore de pétrole et de gaz. Ces deux domaines représentent à eux seuls près des deux tiers de la valeur ajoutée générée par les activités maritimes. Mais d’autres filières percent à toute allure : l’éolien offshore, la biotechnologie marine, la construction navale, ou encore les câbles sous-marins, qui transportent 98% du trafic Internet mondial.
La Chine, premier pays à bénéficier de « l'économie de la mer »
Trois quarts de la croissance mondiale de l’économie de la mer entre 1995 et 2020 ont été réalisés… en Asie-Pacifique. Et plus de la moitié uniquement en Asie de l’Est, avec la Chine en locomotive. Le Japon, la Corée du Sud et les Philippines suivent de près. Les pays à forte façade maritime comme les États-Unis, le Royaume-Uni ou la Norvège figurent aussi dans le peloton de tête, mais leur part relative diminue. Le rapport de l’OCDE note que la part des pays riches dans la valeur ajoutée de l’économie de la mer est passée de 71% en 1995 à 52% en 2019. Traduction : les pays émergents prennent le large.
Et en France ? Si l’Hexagone reste un acteur maritime majeur, sa dynamique varie fortement selon les façades. En métropole, certaines zones affichent un recul d'activité, jusqu’à -23% sur la façade atlantique entre 2019 et 2021, tandis que les DROM enregistrent une croissance post-Covid de 5,6%, notamment grâce à l'activité portuaire.
L’avenir entre tsunami de données et fracture numérique
Mais tout ne coule pas de source. L’OCDE prévient que la productivité stagne dans plus de la moitié des activités océaniques, tandis que la transition énergétique est incomplète. Si elle réussit, l’économie de la mer pourrait être 2,5 fois plus importante en 2050 qu’en 1995. Si elle échoue ? Le scénario d’un déclin économique et écologique est parfaitement plausible. Autre souci majeur : la fracture numérique. Les technologies de l’information, de l’automatisation, de la robotique ou encore les innovations biotechnologiques peinent à s’imposer dans certaines branches, retardant la modernisation.
Face à ces constats, l’OCDE propose une feuille de route en quatre axes :
- Renforcer la gouvernance et la planification spatiale maritime.
- Accélérer l’innovation technologique.
- Ouvrir l’accès aux données océaniques.
- Intégrer pleinement les pays en développement dans les chaînes de valeur maritimes.
Derrière les embruns, une vraie guerre économique
L’économie de la mer n’est pas un long fleuve tranquille. Elle est convoitée, sous-exploitée, parfois surexploitée. Elle est aussi géostratégique : les conflits en mer de Chine méridionale, la montée des tensions autour des ressources halieutiques ou les controverses sur les grands fonds marins en témoignent.
Mais elle est surtout essentielle à la transition écologique. Car les océans sont aussi puits de carbone, générateurs d’énergie renouvelable et régulateurs climatiques. Ce qui fait dire à l’OCDE : « Un océan sain est crucial pour le climat, la biodiversité et l'économie ».