Et si les frais cachés devenaient un outil politique ? Au croisement de la guerre commerciale, des stratégies e-commerce et des tensions électorales, une polémique a enflammé Washington — en entraînant avec elle un géant du numérique.
Droits de douane : Amazon recule sous la pression de la présidence Trump

Le 29 avril 2025, Amazon a formellement annoncé qu’il n’afficherait pas l’impact des droits de douane sur les prix de ses produits vendus aux États-Unis. L’entreprise de Seattle, pourtant au cœur d’une rumeur persistante, a choisi de couper court à une crise naissante. Mais cette simple hypothèse — relayée par quelques lignes d’un site spécialisé — a suffi à déclencher l’ire de la Maison Blanche.
Amazon, droits de douane et spéculations : un cocktail explosif
À l’origine de la polémique, un article du site Punchbowl News évoque une initiative interne chez Amazon visant à tester l’affichage, à côté du prix de vente, du montant des tarifs douaniers imposés sur certains produits importés. Il n’en fallait pas plus pour déclencher une tempête politique.
Dès le matin du 29 avril, la Maison Blanche monte au créneau. Lors d’un point de presse, elle qualifie l’initiative présumée de l’entreprise d’« acte hostile et politique », selon BFMTV. Le secrétaire au Commerce, Howard Lutnick, renchérit en dénonçant une tentative d’Amazon « de faire croire que les droits de douane ont un effet direct sur les prix ».
Selon plusieurs sources, cette rumeur aurait provoqué une réaction personnelle de Donald Trump lui-même : le président américain aurait appelé Jeff Bezos dans la matinée du 29 avril 2025, furieux à l’idée que cette communication commerciale puisse saper la crédibilité de sa politique tarifaire. Car ce que Donald Trump omet toujours de dire, c’est que les taxes douanières sont en partie (voire totalement) payées par les clients américains.
Amazon : Une volte-face rapide... ou un projet jamais validé ?
Face au tumulte, Amazon réagit en fin de journée. Dans un communiqué transmis à l’AFP, le groupe affirme que « l’équipe en charge des produits à bas coûts, Amazon Haul, avait envisagé l’idée de publier les coûts d’importation pour certains produits », mais précise immédiatement que la proposition « n’avait jamais été approuvée » et « ne serait pas mise en œuvre », relaye RFI.
Le message est clair : il ne s’agissait que d’une exploration interne, vite écartée. Pourtant, la rapidité de la réponse, et l’écho donné aux propos de Trump à l’issue de son appel avec Bezos — « Jeff Bezos était vraiment sympathique. Il a réglé le problème très rapidement. Un bon gars. », selon TVA Nouvelles — laissent entrevoir une pression présidentielle directe ayant accéléré l’enterrement du projet.
Un détail non négligeable : Jeff Bezos, bien qu’ayant quitté les fonctions opérationnelles d’Amazon en 2021, conserve son poste de président exécutif du conseil d’administration et détient encore environ 9 % du capital.
Affichage des prix et fiscalité : un angle mort du e-commerce ?
La controverse soulève une question fondamentale : afficher les droits de douane relève-t-il de la transparence ou de la provocation ? Aux États-Unis, ces taxes ont été renforcées sous le second mandat de Donald Trump, notamment contre les importations chinoises. Le coût pour les entreprises — et donc pour les consommateurs — s’est alourdi.
Certaines plateformes, comme Shopify ou Etsy, laissent leurs vendeurs mentionner les frais annexes. Amazon, leader incontesté, reste jusqu’à présent discret sur ces aspects. La perspective d’un affichage clair de ces charges, même limité à certains produits, risquait d’ébranler la narration politique selon laquelle les hausses tarifaires ne pénalisent pas les foyers américains.
Taxes douanières : des conséquences bien réelles pour Amazon
Au-delà de la polémique politique, l’effet des droits de douane sur le e-commerce est tangible. Selon Fashion Network, plusieurs vendeurs tiers sur Amazon ont décidé de se retirer du Prime Day 2025, événement phare du groupe, en raison de la rentabilité décroissante causée par les surcoûts liés aux taxes d’importation. Ces retraits s’accompagnent d’une chute de l’offre promotionnelle et d’un désengagement partiel de vendeurs asiatiques. D’autres informations relayées par Reuters indiquent que plusieurs vendeurs chinois envisagent de quitter le marché américain ou d’augmenter leurs prix de manière significative pour compenser l’impact des droits de douane.
L’affaire révèle un bras de fer symbolique. D’un côté, Amazon revendique la liberté commerciale et l’optimisation des prix ; de l’autre, l’administration Trump veut préserver une image forte d’une politique commerciale protectionniste bénéfique aux consommateurs.
L’accusation d’un « acte politique » ne repose pas sur l’existence du projet, mais sur son potentiel impact narratif. La Maison Blanche redoute que l’affichage des taxes ne transforme les étiquettes en tracts anti-Trump, mettant en lumière un effet contre-productif de sa politique économique.