Le don, pilier silencieux de la cohésion sociale en France, connaît depuis le début de l’année 2025 des inflexions préoccupantes. Selon le Baromètre de la solidarité 2025 publié le 29 avril 2025 par Ipsos pour la fondation Apprentis d’Auteuil, les signaux d’alarme se multiplient.
Don en chute libre : la solidarité française à bout de souffle ?

Le rapport met en lumière une société où le réflexe de partage fléchit, miné par l’inflation, les inégalités et la défiance. Faut-il y voir un symptôme passager ou les prémices d’un basculement durable dans les mentalités françaises concernant le don ?
Donner moins, donner différemment : vers une nouvelle économie du don
Dans une société où chaque euro compte, la baisse des montants donnés n’a rien d’anecdotique. Le Baromètre 2025 révèle que si le nombre de donateurs reste relativement stable, le volume moyen des dons régresse nettement. Or, alors que 70 % des Français estiment que la pauvreté a progressé en France, seuls 37 % affirment faire confiance à l’État pour répondre aux besoins des plus fragiles. Un chiffre qui en dit long sur le transfert attendu vers les associations, lesquelles se retrouvent seules face à l’urgence.
Autre signal faible : les plus âgés ne sont plus les champions du don. En 2025, ce sont les 18-24 ans qui se montrent proportionnellement les plus généreux. Selon Ipsos, « les jeunes sont davantage nombreux à déclarer avoir donné à une association au cours des douze derniers mois que les plus de 65 ans ». Une inversion inattendue qui invite à repenser les mécanismes de collecte.
Une société fragilisée, des associations sous pression
La France traverse un paradoxe : les besoins d’aide n’ont jamais été aussi criants, mais la solidarité peine à suivre. Le baromètre indique que 57 % des Français estiment que la solidarité recule dans la société. Plus inquiétant encore, ce chiffre bondit à 70 % chez les 18-24 ans, autrement dit, la génération la plus généreuse est aussi la plus pessimiste.
Pour Jean-Marie Petitclerc, prêtre éducateur et porte-parole d’Apprentis d’Auteuil, le constat est sans appel : « La jeunesse d’aujourd’hui, souvent caricaturée comme individualiste, est en réalité d’une lucidité cruelle sur les inégalités et les injustices ».
Les associations, de leur côté, font face à un double mur : celui de la défiance et celui de la précarisation des classes moyennes. Le mécanisme de déduction fiscale, pourtant incitatif, ne suffit plus à compenser la baisse des capacités financières des ménages.
Le don en mutation : entre engagement moral et désengagement matériel
Loin des simples contributions monétaires, la notion de don s’élargit. Le rapport Ipsos souligne une croissance des formes alternatives de solidarité : bénévolat ponctuel, partage de compétences, dons en nature. Des formes d’engagement certes précieuses, mais qui peinent à répondre à l’urgence matérielle des besoins.
Les raisons du désengagement financier sont nombreuses : inflation persistante, fatigue sociale, perte de confiance envers les institutions. Mais elles traduisent aussi une mutation culturelle : le don se dématérialise, se segmente, se réinvente.
Face à cette baisse structurelle de la générosité, les réactions politiques se font attendre. Ni grandes campagnes publiques, ni nouvelle mesure incitative n’ont été annoncées en ce début 2025. Or, la défiance est telle que seule une parole forte pourrait réanimer l’élan solidaire. En l’absence de réponse, c’est l’ensemble du modèle associatif français qui se retrouve sur la sellette. La situation interroge : à l’heure où l’aide privée devient un amortisseur social incontournable, comment expliquer une telle indifférence institutionnelle ?