Le Royaume-Uni a officialisé, le 2 juin, sa nouvelle stratégie de défense. Une annonce opérée par le Premier ministre Keir Starmer, fruit d’une révision commandée en début d’année. Dans un contexte de crispations internationales croissantes, Londres réaffirme sa singularité militaire, une dissuasion nucléaire exclusivement sous-marine. Face à une Russie jugée « croissante » dans sa menace, la réponse britannique est directe, massive, et technologiquement ambitieuse.
Dissuasion nucléaire : le Royaume-Uni parie sur ses sous-marins

Le Royaume-Uni, seule puissance nucléaire à fonder sa dissuasion sur ses sous-marins
Il n’existe aucune autre puissance nucléaire qui ait fait le pari de tout confier à la mer. Les quatre sous-marins de classe Vanguard britanniques, chacun capable d’embarquer jusqu’à 16 missiles balistiques, forment l’unique vecteur de dissuasion nucléaire du pays. Aucun missile sol-sol. Aucun avion porteur d’ogive. Rien d’autre. Cette stratégie, qualifiée de Continuous At-Sea Deterrence, garantit qu’au moins un de ces engins silencieux est en patrouille permanente. Pourtant, dans l’ombre de ce dispositif, une transformation se dessine.
Le Royaume-Uni injectera 15 milliards de livres dans son programme de production d’ogives nucléaires, renforçant une doctrine vieille de plus d’un demi-siècle. Le pays a également confirmé la construction de douze sous-marins d’attaque supplémentaires dans le cadre de l’alliance militaire AUKUS, liant ses destins stratégiques à ceux des États-Unis et de l’Australie.
Menaces, réalignements et avertissements : une stratégie directe
« Nous allons rétablir la capacité de combat du Royaume-Uni comme objectif central de nos forces armées », a déclaré Keir Starmer dans une tribune publiée le 1er juin 2025 dans The Sun. Cette ligne directrice s’inscrit dans un contexte où l’ombre de Moscou s’allonge de nouveau sur le continent. Le ministre de la Défense, John Healey, l’a affirmé sans détour : la stratégie britannique est « un message à destination de Moscou », comme il l’a précisé sur la BBC.
Et le message est clair. Outre les sous-marins et les ogives, six usines de production de munitions seront bâties, alimentées par un investissement de 1,5 milliard de livres (soit environ 1,8 milliard d’euros). L’ensemble de ces mesures porte à 6 milliards de livres le budget total consacré à la reconstitution des stocks et à la montée en puissance de l’industrie militaire durant la présente législature.
Le grand retour des moyens, mais pour quels objectifs ?
Officiellement, cette offensive budgétaire, qui portera les dépenses de défense à 2,5 % du PIB d’ici 2027, contre 2,3 % aujourd’hui, doit redonner aux forces britanniques leur « capacité de combat intégrée ». Mais derrière le vernis stratégique, les critiques affleurent. Où sont les objectifs précis ? Quelle est la doctrine d’emploi d’une dissuasion purement sous-marine dans une ère où les menaces s'intensifient, dans le cyberespace, ou à la frontière des conflits asymétriques ?
Le gouvernement n’a pas confirmé les rumeurs avancées par le Sunday Times sur l’éventualité d’un achat d’avions nucléaires tactiques américains, mais n’a pas démenti non plus. John Healey a seulement souligné qu’« une dissuasion forte est absolument essentielle pour assurer la sécurité » des Britanniques. Circulez, il n’y a rien à voir.
Face à la mutation rapide des menaces, Londres compte aussi accélérer l’intégration des nouvelles technologies de guerre. Drones, intelligence artificielle, commandement cyber offensif et défensif, ces chantiers prennent une importance croissante dans le nouvel écosystème militaire du Royaume-Uni. Mais si ces innovations peuvent transformer la conduite des opérations, elles posent aussi une question : la dissuasion, pour rester crédible, peut-elle encore se permettre d’être mono-vecteur ?