Désinformation climatique : le sabotage qui freine l’urgence écologique

Contrairement à ce que certains aimeraient croire, la désinformation climatique ne relève pas d’une cacophonie spontanée ou d’une série d’erreurs isolées. Elle fonctionne selon une logique structurée, alimentée par des groupes qui y trouvent intérêt, pointe le dernier rapport du Panel international sur l’environnement informationnel (IPIE). Divers acteurs puissants y sont identifiés : majors pétrolières, groupes industriels, réseaux politiques conservateurs et même certains États.

Anton Kunin
By Anton Kunin Last modified on 20 juin 2025 8h05
Désinformation climatique : le sabotage qui freine l’urgence écologique
Désinformation climatique : le sabotage qui freine l’urgence écologique - © Economie Matin
150 millions16 grandes entreprises polluantes ont acheté environ 1 700 publicités contenant des informations mensongères ou trompeuses, vues environ de fois sur Facebook.

Désinformation climatique : amplification numérique et infiltration ciblée sont des procédés de choix

La désinformation climatique repose sur des stratégies et une rhétorique bien huilées. Ce ne sont plus les faits scientifiques qui sont niés — ils sont trop solides —, mais les solutions proposées. L’énergie solaire serait « instable », les éoliennes « inefficaces », les politiques climatiques « ruineuses ». Un exemple parmi d’autres : la fausse rumeur selon laquelle l'effondrement du réseau électrique espagnol aurait été causé par les énergies renouvelables, démontée, mais largement relayée.

Sur les réseaux sociaux, la désinformation climatique bénéficie d’alliés puissants : bots, fermes de trolls, micro-influenceurs, campagnes publicitaires opaques. Le rapport IPIE établit que ces dispositifs amplifient considérablement les contenus mensongers. Certains messages sont répétés des milliers de fois par des comptes automatisés, donnant l’illusion d’un débat, alors qu’il s’agit d’une opération de persuasion.

Mais le phénomène ne s’arrête pas là. Des agents organisés ciblent les décideurs, les experts, les administrations publiques. L’objectif ? Créer de la confusion au cœur même des institutions chargées de coordonner la transition écologique. Le chercheur Klaus Jensen, co-auteur du rapport, parle d’« alliances idéologiques et industrielles qui façonnent activement la perception publique pour ralentir toute régulation ambitieuse ».

Un impact dévastateur sur la mobilisation collective

Les conséquences ne sont pas seulement théoriques. En instillant le doute, ces campagnes freinent l’engagement citoyen, polarisent les sociétés, et retardent les décisions indispensables. Le rapport note une érosion de la confiance dans les sources d’information scientifique, des hésitations politiques croissantes et une montée des mouvements climatosceptiques.

Un fait révélateur : alors que 95% des scientifiques du climat s’accordent sur l’origine humaine du réchauffement, une part importante de l’opinion publique dans plusieurs pays demeure hésitante. Cela n’est pas le fruit du hasard, mais d’un travail de sape méthodique.

Une réponse encore balbutiante, mais en gestation

Face à cette machine bien huilée, que faire ? Plusieurs pistes émergent. Le rapport plaide pour un renforcement des cadres réglementaires, à l’image du Digital Services Act européen. Il propose également de soumettre les entreprises polluantes à une obligation de transparence renforcée quant à leurs stratégies de communication environnementale.

L’idée d’une criminalisation du greenwashing et de la désinformation climatique prend de l’ampleur. La rapporteuse spéciale de l’ONU, Elisa Morgera, appelle à ce que les États « défossilisent » leurs systèmes d’information. Elle propose même que les agences de communication qui relaient des messages trompeurs soient tenues pour responsables au plan pénal.

Des initiatives mondiales émergent également. Le Brésil, pays hôte de la prochaine COP, porte un projet ambitieux : l’Initiative mondiale pour l’intégrité de l’information climatique, soutenue par l’UNESCO, la France, le Royaume-Uni et d’autres. Objectif : coordonner la lutte contre les mensonges climatiques à l’échelle internationale, avec un financement déjà engagé de plus de dix millions d’euros pour trois ans.

La vérité sur le changement climatique, une bataille décisive

Il ne suffira pas de produire de la science. Encore faut-il qu’elle soit entendue. Et pour cela, la bataille contre la désinformation est cruciale. Comme le souligne le rapport de l’IPIE, « sans information fiable, aucune action coordonnée n’est possible ». Le temps presse, les émissions doivent chuter de moitié d’ici 2030. Si la vérité reste noyée dans un océan de fausses certitudes, les politiques climatiques continueront ne seront jamais vraiment bénéfiques à long terme.

Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

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