Sous ses atours technologiques, le compteur Linky déclenche encore passions et polémiques. À la croisée de l’idéologie et de l’administration, certains irréductibles en France ont refusé l’installation de cet appareil intelligent. Mais désormais, leur position va leur coûter.
Compteur Linky : le refus devient payant dès le 1er août 2025

L’électricité mesurée… et facturée autrement
Depuis sa généralisation en 2015, le compteur Linky, cet appareil communicant déployé par Enedis (filiale d’EDF, Électricité de France), avait pour but de moderniser le réseau de distribution d’énergie et de faciliter la gestion de la consommation électrique. Doté de capacités de transmission à distance, il élimine la nécessité d'une relève physique et permet une facturation plus précise.
Cependant, près de deux millions de foyers ont refusé sa pose, s’opposant à ce qu’ils jugent être une atteinte à leurs libertés ou à leur santé. Pendant des années, Enedis a toléré cette défiance. Ce temps est révolu.
À compter du 1er août 2025, ces opposants devront s’acquitter d’un surcoût de 6,48 euros tous les deux mois, soit 38,88 euros par an, même s’ils déclarent eux-mêmes leur consommation. Une sanction financière plus sévère s’appliquera aux réfractaires qui ne transmettront pas leurs données de consommation : un surcoût additionnel de 4,14 euros leur sera imposé tous les deux mois, portant la note à 63,72 euros par an.
Compteur Linky : une tolérance terminée
Pourquoi cette bascule ? L’explication officielle d’Enedis tient en un mot : coût. Pour continuer à relever manuellement les index des anciens compteurs chez les récalcitrants, l’entreprise mobilise des agents, supporte des frais logistiques et informatiques, et maintient en parallèle deux systèmes de gestion.
Or, les dangers, voire même seulement les désagréments, des compteurs Linky pour la santé, ne sont pour le moment pas prouvés scientifiquement. Autrement dit, Enedis supporte les coûts de craintes infondées... Ou plutôt, elle les fait peser sur l'ensemble de ses consommateurs, alors que la grande majorité dispose d'un compteur Linky.
La Cour de cassation, dans un arrêt rendu en avril 2025, a validé le principe de cette facturation différenciée. Elle a reconnu que les opposants au Linky bénéficiaient indûment d’un service équivalent sans en supporter le coût. Dès lors, Enedis a enclenché un mécanisme de répercussion financière.
Une mesure coercitive assumée par Enedis
Ce tournant n’est pas anodin. Il signe la fin de la cohabitation à double vitesse dans le parc électrique français. En substance, l’opérateur a tranché : ceux qui refusent la modernité doivent assumer leur choix… au portefeuille.
Derrière cette décision se cache une stratégie plus large d’optimisation du réseau. Le compteur Linky permet à Enedis de repérer plus rapidement les coupures, d’anticiper les surcharges, d'intégrer les énergies renouvelables décentralisées, et de proposer des offres de flexibilité. En clair, le système repose sur un maillage complet. Chaque compteur ancien maintenu hors du réseau intelligent constitue une anomalie technique et financière.
Une opposition en perte de vitesse
Au pic de la contestation, les arguments des anti-Linky mêlaient peur des ondes, soupçons de surveillance, ou simple refus de changement. Si certains tribunaux ont donné ponctuellement raison à des particuliers pour des cas d’intrusion ou de malfaçon, la jurisprudence a globalement penché en faveur d’Enedis.
Les dernières batailles juridiques ont néanmoins été tranchées en 2024 et 2025. La décision de la Cour de cassation en avril 2025 « entérine la légitimité d’Enedis à imposer le Linky comme standard de comptage national ».
Les associations qui militaient contre le Linky dénoncent aujourd’hui une forme de punition déguisée. Mais dans les faits, leur capacité d’action s’est érodée. Le front du refus s’effrite, et les foyers concernés n’ont désormais que deux options : céder ou payer.
À compter du 1er août 2025, refuser le compteur Linky ne sera plus une position gratuite. Enedis franchit un seuil en imposant un coût à ce choix technique et idéologique. Ce tournant révèle la détermination de l’opérateur à rationaliser la gestion du réseau, quitte à heurter les irréductibles.