Un fumeur sur deux ne passe plus par le buraliste. Le réseau légal s’effondre, mais la consommation de cigarettes, elle, ne bouge pas. Dans cette histoire, l’État perd, et les trafiquants encaissent.
Tabac : près d’une cigarette sur deux en France provient du marché noir

Ils sont là, partout. Dans la rue, sur les réseaux, au coin de l’épicerie. Ils ne coûtent rien, ne payent rien, mais font perdre gros. Ils ? Ce sont les paquets de cigarettes vendus hors radar. Et la France est devenue leur eldorado.
Marché noir : la France en tête du peloton européen
Fumer tue… les recettes de l’État. En 2024, 49,4 % des cigarettes fumées en France n’ont pas été achetées chez un buraliste. Soit 24,7 milliards de cigarettes parties dans la nature. Contrebande, contrefaçon ou achats à l’étranger : tout sauf légal. L’étude KPMG commandée par Philip Morris International, publiée en juin 2025, est sans appel. La France concentre à elle seule 18,75 milliards de cigarettes illégales, une hausse de 13 % par rapport à 2023, soit près de la moitié du marché noir européen. L’Ukraine, deuxième du classement, est à trois fois moins. Alors que la consommation globale de tabac ne baisse presque pas, le réseau légal s’effondre. Moins 12 % en un an chez les buralistes.
Le paquet à 13 euros ? Un luxe. Surtout quand le même paquet se trouve à 5 euros dans une épicerie ou sur un marché parallèle. Résultat : l’effet des taxes s’évapore. Comme le dit Daniel Bruquel, chef du service prévention du commerce illicite chez Philip Morris : « La pression fiscale, au lieu de convaincre le fumeur d'arrêter de fumer, le force à trouver des solutions de contournement. »
Dans certaines villes du sud, 80 % des épiceries vendraient des cigarettes illégales. Les saisies douanières explosent, mais les flux continuent. Les trafiquants ont trouvé une faille béante : un prix élevé et des contrôles faibles. En parallèle, les achats frontaliers, autorisés dans certaines limites, représentent 5,91 milliards de cigarettes. Légal sur le papier, mais pas vraiment dans l’esprit.
Cigarettes : deux milliards d’euros pour les réseaux criminels, zéro euro pour l’État
En 2023, le trafic de cigarettes contrefaites aurait généré 2 milliards d’euros en France, selon EY. Un jackpot presque à la hauteur de celui du trafic de drogue. À la différence près que le risque pénal est bien plus faible : trois ans pour le tabac, contre dix pour les stupéfiants. Et pendant ce temps ? L’État voit ses recettes fondre.
Avec plus de 80 % du prix d’un paquet composé de taxes, le manque à gagner est gigantesque. Il aurait atteint 9,47 milliards d’euros en 2023, selon Philip Morris France. Les buralistes, eux, disparaissent à petit feu : 10 000 points de vente fermés en vingt ans.
Les trafiquants ne s’arrêtent plus aux cigarettes. Les puffs, interdites en février 2025, pullulent toujours. Les sachets de nicotine, en ligne de mire des autorités, pourraient suivre le même chemin. « Les interdictions créent des marchés clandestins et privent les fumeurs de produits moins nocifs, sans protéger les jeunes », estime Stéphanie Martel, directrice des affaires externes de Philip Morris France.