Une publication scientifique bouleverse la routine thérapeutique établie dans le traitement des cancers ORL. Présentée au congrès de cancérologie de Chicago, une étude internationale met en lumière les résultats prometteurs d’une immunothérapie en complément du protocole standard.
Cancers ORL : après 20 ans d’impasse, un traitement convaincant

Le 1er juin 2025, à l’occasion du congrès annuel de l’ASCO (American Society of Clinical Oncology) qui se tenait à Chicago, une avancée attendue depuis près de vingt ans dans le traitement des cancers ORL a été présentée. L’étude NIVOPOSTOP démontre qu’une immunothérapie adjuvante, le nivolumab, permet de réduire significativement le risque de récidive après traitement standard. Ce résultat modifie profondément les perspectives de prise en charge pour des milliers de patients.
L’échec chronique du traitement standard des cancers ORL
Depuis le début des années 2000, le traitement des carcinomes épidermoïdes ORL repose sur une combinaison de chirurgie, de radiothérapie et de chimiothérapie au cisplatine. Ce schéma, bien qu’efficace dans certains cas, laisse subsister un risque élevé de rechute, en particulier chez les patients présentant des facteurs dits à haut risque. Comme le rappelle le professeur Jean Bourhis, coordinateur international de l’étude : « Les résultats pour les patients atteints de cancers ORL localement avancés restent généralement mauvais, avec seulement 50 à 55 % des patients sans maladie trois ans après un traitement standard. Nous essayons depuis plus de 20 ans d’améliorer cette prise en charge. » (Doctissimo, 2 juin 2025)
Les cancers ORL regroupent plusieurs localisations : cavité buccale, pharynx, larynx. Environ 11 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année en France. Ces tumeurs sont souvent associées à une consommation importante de tabac et d’alcool, ainsi qu’à l’infection au papillomavirus humain. Malgré les efforts thérapeutiques, le taux de récidive restait stable depuis deux décennies.
L’étude NIVOPOSTOP : une stratégie thérapeutique modifiée
L’étude NIVOPOSTOP (GORTEC 2018-01), dirigée par le Dr Yungan Tao de l’Institut Gustave-Roussy, a été menée entre 2018 et 2024 sur 680 patients répartis dans six pays. Deux groupes ont été comparés : l’un recevant le traitement standard (radiothérapie associée à trois cycles de cisplatine), l’autre recevant en supplément le nivolumab, administré pendant huit mois sous forme de dix cures.
Les résultats, dévoilés à Chicago le 1er juin, montrent une amélioration nette de la survie sans maladie à trois ans : 63,1 % pour les patients traités avec le nivolumab, contre 52,5 % pour ceux ayant reçu uniquement le traitement conventionnel. Cela représente une réduction relative de 24 % du risque de récidive ou de décès. Selon le Dr Tao, interrogé par Le Point : « Il s’agit de la première avancée majeure dans cette situation clinique depuis plus de deux décennies. »
Cette amélioration concerne également le taux de rechute locale, qui passe de 20 % à 13 % sur trois ans. La stratégie semble d’autant plus pertinente que le bénéfice est observé quel que soit le statut PD-L1 de la tumeur, un biomarqueur immunologique souvent utilisé pour prédire la réponse à l’immunothérapie.
Une efficacité accompagnée de précautions
Le recours à l’immunothérapie n’est pas dénué d’effets indésirables. Le groupe ayant reçu le nivolumab a présenté un taux d’événements de grade 4 supérieur à celui du groupe contrôle : 13,1 % contre 5,6 %. Les effets secondaires observés incluent principalement des neutropénies et des troubles auto-immuns. Ces toxicités, bien que sérieuses, ont été jugées gérables par les équipes médicales impliquées.
Le Dr Glenn J. Hanna (Dana-Farber Cancer Institute) souligne l’importance de cette avancée : « L’ajout du nivolumab à la chimioradiothérapie dans les cancers ORL opérés à haut risque a amélioré la survie sans maladie, quel que soit le statut PD-L1 de la tumeur. C’est la première étude à montrer ce bénéfice. » (Doctissimo, 2 juin 2025)
Vers une révision des recommandations internationales
Ces résultats pourraient aboutir à une révision rapide des recommandations en oncologie ORL. Les auteurs de l’étude anticipent une intégration du nivolumab dans les protocoles thérapeutiques d’ici un à deux ans, sous réserve de confirmation des données de survie globale, attendues pour 2026 ou 2027.
Le Dr Tao considère que « cette stratégie devrait modifier la prise en charge de ces cancers dans les années à venir. ». L’étude NIVOPOSTOP ouvre également la voie à d’autres essais explorant des associations ou des séquences différentes d’immunothérapie, notamment en phase pré-opératoire.