Archives nazies en Argentine : la découverte explosive de la justice

Un ensemble de documents anciens, découverts au sein d’une institution judiciaire à Buenos Aires, apporte un nouvel éclairage sur les liens entre l’Argentine et certains réseaux nazis au XXe siècle.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 12 mai 2025 9h41
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archives-nazies-argentine-decouverte-explosive - © Economie Matin
6 millionsLes nazis sont à l'origine de la disparition de cinq à six millions de Juifs.

Le 10 mai 2025, la Cour suprême argentine a révélé la découverte d’un ensemble de documents liés au nazisme, enfouis depuis plusieurs décennies dans ses propres archives. À Buenos Aires, cette annonce a provoqué une onde de sidération nationale. Il ne s'agit ni d'une mise en scène ni d'un mythe, mais bien d'une trouvaille authentifiée, qui soulève autant de questions qu'elle n'apporte de réponses. L’Argentine, connue pour avoir servi de refuge à d’anciens dignitaires du régime nazi, voit aujourd’hui resurgir ce passé trouble au sein même de son institution judiciaire suprême.

Une cave, des caisses, et un pan de l’Histoire exhumé

Dans le sous-sol du musée de la Cour suprême argentine, des ouvriers ont mis au jour plusieurs caisses de bois dissimulées parmi des archives oubliées. Ces caisses, estampillées Crillon Champagne, contenaient notamment « des passeports, des carnets avec des croix gammées, des cartes de membre du Parti nazi argentin » ainsi que des « carnets sur lesquels figurent la signature d’Adolf Hitler ». Ces objets étaient destinés à des ressortissants allemands et diplomates installés à Buenos Aires.

Mais l’histoire de ces cartons ne s’arrête pas à leur contenu. Ils auraient transité depuis l’ambassade d’Allemagne à Tokyo jusqu’à celle de Buenos Aires en 1941, transportés à bord d’un navire japonais, selon une reconstitution judiciaire. À l’époque, les services douaniers, soupçonnant une compromission de la politique de neutralité de l’Argentine, avaient saisi les colis et saisi la justice. Depuis, les caisses étaient sous scellés judiciaires, oubliées dans l'inertie des années.

Quand la justice exhume des archives de la honte

L’ouverture officielle des sept caisses a eu lieu le 10 mai 2025 sous la supervision directe du président de la Cour suprême, Horacio Rosatti. Le contenu a été inventorié et mis sous conservation. « Une première inspection du contenu a révélé l’existence d’éléments de propagande nazie et de photographies ». Le Musée de l’Holocauste de Buenos Aires participe aux travaux d’inventaire.

Pourquoi une telle latence ? Pourquoi ces éléments n’ont-ils pas été analysés plus tôt ? La réponse se niche dans les méandres bureaucratiques argentins : entre oubli, négligence et peut-être opportunisme politique. Car ce n’est que récemment que la Cour suprême a donné son aval pour déclassifier ces éléments, dans un contexte où les relations diplomatiques sur le rôle de l’Argentine pendant la Seconde Guerre mondiale restent délicates.

Des documents nazis en Argentine, révélateurs de complicités passées

Le contenu des boîtes est loin d’être anodin. Elles contiennent des documents liés à des membres d'organisations nazies, des supports de propagande, des cartes officielles et de nombreuses photographies. Ce corpus constitue une source historique précieuse susceptible de documenter à la fois les réseaux de fuite vers l’Amérique du Sud et la diffusion idéologique du nazisme à travers la diaspora.

Le cas argentin est emblématique. Des figures notoires comme Adolf Eichmann, Josef Mengele ou encore Erich Priebke s’y sont réfugiées. Eichmann, rappelons-le, fut enlevé à Buenos Aires par le Mossad en 1960. Mengele, quant à lui, transita par l’Argentine avant de mourir au Brésil. Le pays fut un véritable hub pour ces criminels de guerre, soutenu par des relais locaux pro-nazis.

Quelles suites pour ces archives et pour la mémoire collective ?

À l’heure actuelle, une collaboration étroite est en cours entre la Cour suprême argentine et le Musée de l’Holocauste pour conserver et analyser ce matériau. Les implications pourraient être vastes : autant sur le plan historique que juridique. Des documents contenant la signature d’Adolf Hitler, des preuves d’expéditions diplomatiques suspectes, des traces administratives de propagande organisée… Cela ne peut rester lettre morte.

Des voix s’élèvent déjà pour exiger la transparence, la numérisation et la mise à disposition publique de ces archives. Le passé ne peut plus être confiné à des caves ou des caisses. Et l’Argentine ne peut plus se contenter de reconnaître qu'elle fut une terre d’accueil pour les nazis : elle doit désormais démontrer qu'elle ne l’est plus pour leur mémoire.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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