L’amende de Cyril Hanouna divisée par deux : le Conseil d’État rebat les cartes

Une sanction divisée par deux, une chaîne évincée de la TNT, Cyril Hanouna, animateur star, transféré à M6 : au-delà du tumulte judiciaire, ce sont surtout les équilibres économiques du paysage audiovisuel français qui vacillent.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 7 mai 2025 17h00
cyril hanouna
L’amende de Cyril Hanouna divisée par deux : le Conseil d’État rebat les cartes - © Economie Matin
7,6 millions d’eurosDepuis 2022, C8 a cumulé plus de 7,6 millions d’euros d’amendes infligées par l’Arcom

Le 6 mai 2025, le Conseil d’État a réduit de moitié une amende infligée à la chaîne C8 pour des propos jugés injurieux tenus par Cyril Hanouna. Une décision judiciaire, certes. Mais pour les consommateurs de médias comme pour les acteurs du secteur, elle intervient dans un contexte explosif : celui de la disparition pure et simple de la chaîne C8, d’un transfert à haut risque de son animateur phare et de tensions croissantes dans le paysage audiovisuel français.

Un coût divisé par deux, mais une chaîne disparue du paysage

C’est une décision aussi attendue que surprenante. Saisie par la société éditrice de C8, la plus haute juridiction administrative française a ramené l’amende de 300 000 à 150 000 euros, estimant le montant initial « excessif au regard de la gravité des manquements ». L’origine de cette sanction : des propos de Cyril Hanouna à l’encontre d’Anne Hidalgo dans l’émission TPMP, diffusée le 5 octobre 2022.

Mais sur le plan économique, ce demi-million d’euros (amende initiale et frais de procédure inclus) n’est que la partie émergée d’un iceberg bien plus vaste. Depuis 2022, C8 a cumulé plus de 7,6 millions d’euros d’amendes infligées par l’Arcom, l’autorité de régulation de l’audiovisuel. Un niveau de pénalités inédit dans l’histoire récente du secteur.

C8 a même cessé d’émettre sur la TNT en mars 2025, après que l’Arcom a refusé de renouveler sa fréquence, pointant des « manquements réitérés ». Une éviction qui prive plus de 3,4 millions de foyers d’un accès gratuit à la chaîne, et qui rebat violemment les cartes pour les annonceurs comme pour les consommateurs.

Des conséquences financières et publicitaires en cascade

La disparition de C8 sur la télévision numérique terrestre (TNT) a provoqué une réallocation brutale des budgets publicitaires. D’après les estimations du cabinet MédiaScope, la chaîne représentait encore 4,2 % du marché publicitaire TV en 2023, malgré les polémiques. Ce chiffre s’est effondré à 0,9 % au premier trimestre 2025.

Pour les annonceurs, la perte d’un support aussi visible – surtout en prime time – a entraîné un report partiel vers W9, TMC et RMC Story, mais aussi vers les plateformes numériques. YouTube, Twitch et les offres AVOD (Advertising Video on Demand) enregistrent déjà un bond de +12 % d’investissements sur le segment des 18-34 ans depuis mars 2025.

Quant aux téléspectateurs, beaucoup se disent déboussolés. Selon un sondage CSA publié en avril, 27 % des anciens téléspectateurs réguliers de C8 affirment ne pas avoir retrouvé d’émission équivalente dans leur consommation quotidienne.

Hanouna-M6 : un pari à plusieurs millions d’euros

Le volet financier ne s’arrête pas là. La disparition de C8 s’est doublée d’un transfert retentissant : Cyril Hanouna rejoint en septembre le groupe M6, pour une double émission hebdomadaire sur W9 et Fun Radio. Si les termes précis du contrat n’ont pas été rendus publics, plusieurs experts estiment qu’il pourrait dépasser les 12 millions d’euros sur deux ans, hors production.

Un pari risqué mais stratégique pour M6, qui cherche à capter l’audience populaire orpheline de TPMP. Mais aussi un test grandeur nature : Cyril Hanouna sans C8, c’est un peu comme Star Academy sans TF1 dans les années 2000 – une équation incertaine, notamment sur le plan de la monétisation et de la fidélité des audiences.

Un signal d’alarme pour la gouvernance audiovisuelle ?

Au final, si la décision du Conseil d’État réduit l’ardoise juridique immédiate, elle n’efface en rien l’instabilité économique que cette affaire a révélée. Le modèle économique de chaînes à forte audience mais à contenu clivant se heurte de plus en plus aux exigences de régulation. Et les consommateurs, eux, voient s’effacer une offre gratuite au profit de plateformes parfois payantes, souvent moins régulées.

La question désormais posée est simple : le modèle des chaînes généralistes commerciales gratuites peut-il survivre dans un cadre aussi contraint, sans tomber dans l’outrance ni perdre sa rentabilité ?

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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