Airbags Takata : Citroën face au coût d’un désastre industriel

Avec l’immobilisation massive de ses modèles C3 et DS3, Citroën hérite d’un scandale hérité, aux conséquences économiques durables. Près d’un demi-million de véhicules sont à l’arrêt en Europe. Derrière le rappel massif : une chaîne de décisions industrielles à haut risque, une réputation écornée, et un modèle de gestion de crise mis à l’épreuve.

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By Amandine Leclerc Last modified on 19 juin 2025 12h42
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Airbags Takata : Citroën face au coût d’un désastre industriel - © Economie Matin
+ de 2,3 MEn 2025, malgré des rappels depuis 2014 et une dangerosité connue depuis plus de dix ans, plus de 2,3 M de véhicules équipés d’airbags Takata circulaient encore en France.

Une défaillance industrielle à 11 chiffres

Le scandale des airbags Takata s’impose aujourd’hui comme l’un des plus coûteux de l’histoire de l’automobile. Près de 100 millions de véhicules rappelés dans le monde, des dizaines de décès, et pour les constructeurs, plusieurs milliards d’euros de pertes cumulées en rappels, indemnisations et actions correctives.

Le cas de Citroën s’inscrit dans cette lignée. Le 17 juin 2025, après un nouveau décès survenu à Reims le 11 juin, le constructeur français a ordonné l’immobilisation immédiate de tous ses modèles C3 et DS3 encore équipés d’airbags Takata, peu importe leur année de production. Résultat : 82 000 véhicules arrêtés en France, 441 000 dans l’Union européenne, selon les chiffres communiqués par le groupe Stellantis.

Le rappel, un coût logistique hors norme

Loin d’être un simple échange standard, le rappel de masse impose une réorganisation complète de la chaîne après-vente. Il implique :

  • L’identification et la traçabilité des véhicules
  • Le stockage et la distribution des pièces de remplacement
  • La prise en charge de la mobilité des clients
  • La gestion des litiges et des risques juridiques associés

Dans le cas présent, la mesure “stop drive” imposée par l’État et validée par Citroën rend le rappel encore plus complexe. Le constructeur doit désormais fournir une solution de remplacement immédiate à chaque automobiliste immobilisé. Or, ces coûts ne sont pas récupérables. Ils viennent grever les marges de l’après-vente, déjà contraintes par l’inflation et les tensions logistiques post-Covid.

Dix ans d’aveuglement : gouvernance industrielle en cause

Le cas Takata pose une question de gouvernance à l’échelle du secteur. Depuis plus de dix ans, la dangerosité des airbags était documentée. Plusieurs rappels avaient déjà eu lieu depuis 2014. Pourtant, en 2025, les autorités françaises reconnaissent que plus de 2,3 millions de véhicules équipés de ces airbags circulaient encore en France au début des campagnes de retrait.

Pourquoi un tel retard ? Selon UFC Que Choisir, qui a déposé une plainte le 19 mai 2025 contre Citroën, Toyota, Volkswagen, Mercedes et BMW, la réponse est claire : opacité stratégique et inertie commerciale. L’association dénonce des “rappels imprécis, tardifs et déclenchés sous la pression médiatique”, malgré la gravité des risques.

Le directeur de Citroën, Xavier Chardon, justifie aujourd’hui le durcissement des mesures : « Compte tenu du contexte, on a décidé de passer les véhicules en “stop drive” pour accélérer leur prise en charge. »

Réputation, actions judiciaires, marchés : un triple impact

Au-delà du coût opérationnel, le scandale entame durablement la réputation des constructeurs impliqués. Citroën, intégré dans le groupe Stellantis, voit son image écornée au moment même où la marque tente de redéfinir son positionnement dans la transition électrique.

Le risque judiciaire est également élevé. Outre la plainte d’UFC Que Choisir, une enquête pour homicide involontaire a été ouverte par le parquet de Paris. Elle pourrait aboutir à des condamnations financières, voire à des restrictions administratives futures.

Enfin, l’affaire soulève un débat européen sur la gestion des rappels industriels. Le ministère des Transports français appelle à une harmonisation du droit d’alerte et des procédures de retrait. Le coût économique du scandale Takata, pourtant initialement japonais, devient une variable structurelle du risque pour les groupes automobiles mondialisés.

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