Le ministère de l’Agriculture a publié, le 16 juillet, ses premières estimations de la campagne céréalière. La production de blé tendre atteindrait 32,6 millions de tonnes, un bond de 27 % par rapport à 2024. Un soulagement ? Peut-être. Une surprise ? Pas tout à fait. Cette hausse spectaculaire masque une réalité moins reluisante, le retour à des conditions climatiques acceptables suffit désormais à faire figure d’exploit dans un secteur habitué aux aléas.
Récolte de blé 2025 : forte hausse après une année noire
Benoît Piétrement, président du conseil spécialisé grandes cultures à FranceAgriMer, le reconnaît d’ailleurs avec prudence dans des propos rapportés par Le Figaro : « On a plutôt le sourire, même s'il faut rester prudent à ce stade. On va vers une bonne récolte (…) avec de bons rendements et une belle qualité ».
Rendement et quantité du blé : une embellie technique… à nuancer
Avec une moyenne nationale de 72,6 quintaux par hectare, contre 60,9 en 2024, les rendements progressent de 19 %, selon les données croisées de FranceAgriMer, Agreste et Terre-Net. Sur certaines zones, comme en Bourgogne-Franche-Comté, les chambres d’agriculture annoncent même des hausses de rendement dépassant les 25 %. Mais ce réveil reste fragile. Les 32,6 Mt prévues en blé tendre ne dépassent que de 2,4 % la moyenne quinquennale 2020-2024.
En parallèle, la récolte de blé dur atteint 1,3 million de tonnes, soit 43 000 tonnes supplémentaires, malgré une baisse continue des surfaces cultivées. Le contraste est saisissant. Les volumes montent, mais les surfaces se restreignent. Le nombre d’hectares consacrés au blé tendre chute à 4,5 millions, en recul de 97 000 ha par rapport à la moyenne récente.
L’héritage de 2024, entre désastre et résilience
Pourquoi ce bond en 2025 ? Tout simplement parce que 2024 fut une année noire. Intempéries à répétition, “printemps pourri”, maladies cryptogamiques, pluies diluviennes… L’ensemble de la filière céréalière avait sombré. La récolte de blé tendre avait plongé sous la barre des 26 Mt, avec un rendement historiquement bas.
Ainsi, la progression de cette année 2025 est-elle vraiment une victoire ? Pas totalement. Elle ne fait que rétablir un niveau standard. Le secteur aurait surtout besoin de stabilité, ce que les variations climatiques rendent de plus en plus illusoire.
Récoltes européennes, une dynamique de rattrapage
Au niveau de l’Union européenne, la production de blé tendre remonte à 128 Mt, après avoir chuté à 112 Mt en 2024. Les récoltes d’orge enregistrent aussi une progression notable, avec 11,8 Mt en France, dont 8,4 Mt d’orge d’hiver. L’amélioration s’observe dans toutes les grandes plaines céréalières du continent. Mais les marchés ne réagissent pas encore à la hauteur de l’annonce.
Les prix à terme restent prudents. La production mondiale de blé devrait franchir les 770 Mt, ce qui, combiné à des stocks en hausse, pourrait entraîner une pression baissière sur les cours. D’autant plus que la Russie continue de perturber les marchés d’exportation, notamment par la fixation unilatérale de prix plancher.
La qualité, un levier pour la compétitivité
Au-delà des volumes, la qualité du blé français serait en nette amélioration cette année. Protéines, calibrage, humidité : tous les indicateurs sont meilleurs, selon les premières observations en silo. Cela devrait permettre à la France de reprendre des parts de marché à l’exportation, en particulier sur le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest, des débouchés sensibles à la qualité meunière.
Cependant, cette amélioration technique ne résout pas les problèmes structurels de la filière. L’écart de compétitivité avec les pays de la mer Noire, notamment l’Ukraine et la Russie, demeure important. La seule variable qui joue en faveur de la France cette année, c’est la météo. Or, on ne bâtit pas une stratégie agricole sur une éclaircie.
Récoltes 2025 : le réveil ou le sursis ?
Alors que les moissonneuses battent déjà leur plein sur l’ensemble du territoire, la campagne 2025 s’annonce rapide. En raison d’un printemps chaud et d’une floraison avancée, la moisson devrait s’achever autour du 20 juillet, selon les prévisions des chambres d’agriculture. Mais cette course contre la montre ne masque pas la question de fond.
Comment pérenniser une production qui oscille entre catastrophe climatique et euphorie météorologique ? En Bourgogne, les agriculteurs n’ont pas la mémoire courte. En 2024, certains ont vu leur rendement chuter à 38 q/ha. Cette année, ils frôlent les 75. Mais comme le rappelle un exploitant de l’Yonne : « Ce n’est pas une moisson qui fait la rentabilité d’une ferme. Il en faut trois ou quatre d’affilée. »