Les droits de douane plombent (déjà) la croissance française

Le 9 juillet 2025, la Banque de France a publié son enquête mensuelle de conjoncture, dans un contexte marqué par un climat commercial de plus en plus hostile. Ce rapport, couvrant la période du 26 juin au 3 juillet, révèle une croissance atone : le produit intérieur brut (PIB) ne devrait progresser que de 0,1 % au deuxième trimestre 2025.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 10 juillet 2025 5h37
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6%6 % des entreprises interrogées affirment subir un impact direct des droits de douane.

Une croissance française au ralenti dès le deuxième trimestre 2025 après un premier trimestre morose

Cette estimation succède à un premier trimestre déjà terne, faisant craindre une stagnation prolongée. L’institution note cependant un léger rebond en juin 2025, porté par l’industrie, les services marchands et le bâtiment. Pourtant, ce regain demeure fragile. Le taux d’utilisation des capacités industrielles, par exemple, s’établit à 74,9 %, bien en deçà de sa moyenne de long terme (77,2 %).

Les signaux de vigilance sont nombreux. La Banque de France constate que 19 % des entreprises interrogées signalent des difficultés persistantes de recrutement, notamment dans l’hôtellerie-restauration, le transport et les services techniques. Cette pression sur l’emploi s’ajoute à des tensions d’approvisionnement toujours non résorbées.

Les droits de douane : une menace directe sur l'activité des entreprises

La Banque de France dresse un constat inquiétant concernant le commerce et les relations internationales : les droits de douane, en particulier ceux imposés par les États-Unis depuis le mois de mai 2025, ont un effet concret et déjà mesurable sur l’activité des entreprises françaises. À l’échelle nationale, 6 % des entreprises interrogées affirment subir un impact direct. Ce chiffre grimpe à 8 % dans l’industrie manufacturière, plus exposée aux échanges internationaux.

Les secteurs les plus touchés ? L’agroalimentaire, notamment les producteurs viticoles, le bois-papier-imprimerie, la chimie, les biens d’équipement, ainsi que les services d’ingénierie. Les entreprises affectées évoquent des coûts accrus, des délai allongés, mais aussi des clients américains réticents ou contraints de réduire leurs commandes.

La Banque de France souligne que « les entreprises signalent des difficultés accrues d’approvisionnement et des surcoûts », précise Le Figaro. Un tiers des filières industrielles observe déjà un recul de la production. Le journal ajoute que 37 % des secteurs industriels sondés ont vu leur activité décroître depuis l’annonce des nouvelles surtaxes américaines.

Vers des effets sur toute l'économie française

Selon Les Échos, les premiers stigmates de la guerre commerciale apparaissent avec clarté : les zones industrielles de l’Est et du Sud-Ouest, où se concentrent les exportations vers l’Amérique du Nord, voient leur activité régresser. Conséquence : plusieurs entreprises prévoient une baisse de leurs carnets de commandes pour le troisième trimestre 2025. Sans surprise, l’emploi est également affecté. Des bassins industriels comme Saint-Nazaire ou la vallée du Rhône commencent à anticiper des mesures de gel d’embauche, voire des réductions d’effectifs.

L’INSEE, dans sa note de juin 2025, corroborait ces observations : le taux effectif moyen des droits de douane subis par les entreprises françaises est passé de 2,4 % fin 2024 à 18 % après les mesures américaines de mai 2025. Une augmentation brutale, qui se répercute sur les prix, les marges, et les stratégies commerciales à l’export.

Vers une chute de la croissance française en 2026 ?

Si la croissance résiste encore, les perspectives à moyen terme se détériorent. La direction des études économiques de la Banque de France souligne dans son enquête que « le contexte commercial international pourrait continuer de peser sur l’investissement et l’exportation au second semestre ». La prudence est désormais de mise dans les prévisions macroéconomiques.

Les analystes du Crédit Agricole estiment que les droits de douane pourraient amputer le PIB de la France de 0,4 point d’ici 2027. Ce chiffre inclut les effets directs, mais aussi la dimension psychologique du risque : dans les faits, 75 % de l’impact serait lié à l’incertitude créée autour des décisions de politique commerciale. Et dans le secteur viticole, Rémy Cointreau et Pernod Ricard ont d’ores et déjà revu à la baisse leurs objectifs de croissance pour 2025, invoquant explicitement les barrières tarifaires dans leurs derniers communiqués.

La croissance française est aujourd’hui suspendue entre deux dynamiques contraires : d’un côté, des signaux faibles mais positifs de reprise dans certains secteurs ; de l’autre, une menace tangible, déjà palpable, venue des droits de douane et de la dégradation des relations commerciales internationales.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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