Ikea : une grève nationale pour de meilleurs salaires

Tensions croissantes, revendications ignorées et colère généralisée : les salariés d’Ikea en France se mobilisent massivement pour dénoncer une politique salariale figée et des conditions de travail jugées intenables.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 2 juillet 2025 5h46
Ikea
@shutter - © Economie Matin
2,2 MILLIARDS €Ikea a enregistré un bénéfice net de 2,2 milliards d'euros en 2024.

Le mardi 1er juillet 2025, plusieurs sites d’Ikea en France ont été touchés par une grève initiée par une intersyndicale nationale. Le mouvement s’inscrit dans un contexte social tendu depuis plusieurs mois et cible principalement l’absence d’évolution des rémunérations et la dégradation des conditions de travail. Les employés, en grande partie rémunérés au SMIC, réclament une revalorisation salariale, un meilleur dialogue social et des mesures concrètes pour améliorer leur quotidien professionnel.

Grève chez Ikea en France : une mobilisation qui s’étend

Les premières mobilisations ont été signalées dès le 1er juillet 2025 à Reims, Caen, Saint-Martin-d’Hères, Clermont-Ferrand et Mulhouse. L’intersyndicale CFDT–CGT–FO, à l’origine du mouvement, estime que dix-neuf magasins ont été affectés, avec des taux de mobilisation allant de 30 à 90 %. À Reims, les syndicats dénoncent une proposition jugée provocatrice de la direction : « On nous propose une augmentation collective à 0 % », relaye Franceinfo. À Saint-Martin-d’Hères, près de Grenoble, la colère est palpable : « On veut pouvoir mettre de la nourriture sur la table, payés au SMIC ».

Dans chaque ville, les salariés affichent les mêmes slogans, arborent des pancartes dénonçant le blocage des NAO (Négociations Annuelles Obligatoires) et organisent des débrayages tournants. Certains clients ont vu les magasins ralentir leur activité, même si aucune fermeture totale n’a encore été rapportée.

SMIC et pouvoir d’achat : « travailler pour rester pauvre »

Au cœur des revendications, une réalité sociale brutale : une large partie des salariés d’Ikea France est rémunérée au SMIC, soit 1 383,40 euros net par mois depuis janvier 2025. Un niveau de rémunération jugé intenable par les grévistes qui ont subi de plein fouet les hausses de prix de ces dernières années.

« Ce que l’on gagne ne couvre même pas nos factures mensuelles. On parle d’une entreprise mondiale qui continue de croître », déclare un salarié de Caen, cité par Ouest-France. À Saint-Martin-d’Hères, un agent logistique exprime sa frustration : « Quand on travaille 35 heures, on ne devrait pas avoir à faire les courses chez les Restos du Cœur ». La demande des syndicats est claire : une augmentation salariale généralisée, au minimum équivalente à l’inflation. Aucun chiffre précis n’a été proposé par la direction à ce stade. Mais la demande ne devrait pas poser de problèmes majeurs à Ikea puisque l’entreprise a terminé l’année 2024 avec un bénéfice net de 2,2 milliards d’euros, en hausse sur un an.

Les critiques ne se limitent pas à la fiche de paie et aux augmentations nulles. Les syndicats pointent également une dégradation des conditions de travail sur de nombreux sites. Selon Ouest-France, les témoignages rapportent une intensification des tâches, des horaires plus morcelés, des suppressions de postes d’encadrement intermédiaire, et une pression hiérarchique accrue. À Clermont-Ferrand, une salariée de la logistique explique : « Le nombre de colis à préparer par jour a doublé en un an. On finit les journées épuisés, sans reconnaissance ni contrepartie ».

Ikea refuse tout dialogue social selon les syndicats

L’un des principaux motifs de la grève est l’échec du dialogue social avec la direction. Selon l’intersyndicale, Ikea France mène les NAO de manière purement formelle, sans réelle volonté de négocier. « La direction nous écoute, mais ne répond à rien. C’est une façade de dialogue », estime un représentant FO à Reims interrogé par Franceinfo. Les syndicats dénoncent également l’absence d’évaluations sérieuses des risques psychosociaux, malgré de multiples alertes internes.

Dans un communiqué diffusé le 1er juillet 2025, la direction d’Ikea indique que les discussions « se sont déroulées conformément au calendrier prévu », sans préciser si de nouvelles propositions seront mises sur la table.

Une pression qui monte dans un groupe pourtant rentable

Ce conflit survient alors que la maison mère d’Ikea, Ingka Group, a publié un bénéfice net en hausse de 12 % sur l’exercice 2023–2024, selon les chiffres communiqués par l’entreprise. Ce contraste entre résultats financiers et blocage des rémunérations françaises alimente la colère sociale. Les syndicats évoquent une politique salariale « injustifiable » dans un groupe qui continue d’investir massivement dans ses infrastructures, ses outils numériques, et ses implantations internationales.

Le mouvement actuel pourrait faire tâche d’huile. Déjà, des échos similaires sont perceptibles en Belgique et en Espagne, où les représentants syndicaux surveillent de près l’évolution du conflit français.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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