95% des petits commerçants disent subir les soldes

Les étiquettes sont prêtes, les vitrines colorées, les pourcentages alignés. Mais derrière les sourires de façade, un scepticisme palpable. En 2025, les soldes d’été peinent à masquer la lassitude grandissante d’un secteur malmené par une concurrence féroce et un modèle promotionnel en bout de course.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 26 juin 2025 15h32
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233 eurosLe budget moyen chute de 307 euros à 233 euros.

Mercredi 25 juin 2025 marque le coup d’envoi officiel des soldes d’été en France métropolitaine, hors Corse. Pourtant, dans de nombreuses boutiques, l’enthousiasme s’est fait la malle. Les affichettes rouges annonçant des remises agressives côtoient des visages fermés. Pour un nombre croissant de commerçants, ces réductions réglementées sont devenues un passage obligé, imposé par la pression concurrentielle plus que par l’espoir d’une relance du chiffre d’affaires.

Un cadre légal strict, mais de moins en moins rentable

Selon la fiche pratique mise à jour par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), les produits soldés doivent être proposés à un prix réduit calculé sur la base du prix le plus bas pratiqué dans les trente jours précédant le début des soldes. Les articles concernés doivent également être disponibles à la vente depuis au moins un mois.

Ces obligations visent à garantir la transparence pour le consommateur et à éviter les dérives marketing. Mais pour de nombreux commerçants, ces contraintes ajoutent une couche de complexité dans un environnement déjà marqué par une concurrence déchaînée, notamment celle des plateformes d’ultra fast fashion comme Shein ou Temu.

Des soldes devenues une habitude, sans plus de bénéfice

Une étude menée par OpinionWay pour Mollie, publiée le 18 juin 2025 sur e-marketing.fr, révèle que près de 4 Français sur 10 envisagent de participer aux soldes d’été cette année. Ce chiffre reste stable par rapport à 2024, mais masque une tendance : le budget moyen chute de 307 euros à 233 euros, soit une baisse de 74 euros.

Dans un contexte économique tendu, ce repli reflète une rationalisation accrue des dépenses. Les consommateurs cherchent avant tout l’essentiel : 70 % citent l’habillement comme leur priorité, mais l’électroménager ou les produits pour enfants gagnent du terrain. En revanche, la décoration intérieure recule, signe d’une concentration sur les besoins immédiats.

Les commerçants, eux, suivent le mouvement avec de plus en plus de résignation. L’étude relayée par plusieurs médias confirme que 6 commerçants sur 10 ne participeraient plus aux soldes s’ils n’y étaient pas poussés par la pression concurrentielle.

Une concurrence qui ronge les marges

Le 25 juin, L’Opinion rappelait les difficultés persistantes du commerce physique, malgré une météo favorable et quelques frémissements économiques. Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire économique de l’Institut français de la mode (IFM), y indique une hausse d’activité limitée à +0,6 % sur la période. Un chiffre largement insuffisant pour compenser les coûts structurels, en hausse constante.

La concurrence des géants du e-commerce, alliée à la montée en puissance de la seconde main et des ventes privées numériques, fragilise le modèle des soldes traditionnelles. En 2025, Amazon, Shein et Temu ont dépassé en parts de marché des enseignes comme Zara ou H&M sur le premier trimestre, selon les données publiées par L’Opinion.

Sur Fashion Network, le président de la Fédération du prêt-à-porter déplore « une perte de sens dans la valeur des vêtements », pointant l’impact délétère de ces marques à bas coûts qui faussent le jeu du prix juste et détruisent la marge des détaillants.

Une stratégie hybride, mais pas salvatrice

L’étude OpinionWay pour Mollie montre également un glissement profond dans les habitudes d’achat. En 2025, seuls 44 % des consommateurs déclarent vouloir acheter exclusivement en boutique, contre 53 % en 2024. À l’inverse, les parcours hybrides (magasin + internet) explosent à 35 %, et les achats 100 % en ligne restent stables à 21 %. Ces chiffres révèlent une mutation accélérée du commerce vers des modèles omnicanaux, où le commerçant de quartier peine à s’adapter, faute de ressources et d’outils.

« Cette étude confirme un double mouvement : une forte maîtrise du budget et une évolution vers des parcours d'achat plus hybrides et pratiques », résume Philippe Daly, vice-président de Mollie France, e-marketing.fr, 18 juin 2025.

Un renoncement discret, mais réel

Le recours aux soldes s’apparente de plus en plus à une posture défensive. Participer pour ne pas perdre de clients, baisser les prix sans conviction, tenter de liquider des stocks qui s’accumulent… La stratégie ressemble à une course contre la montre. Le déséquilibre est tel que même les commerçants qui investissent dans la publicité ou dans des promotions ciblées peinent à retrouver une rentabilité.

Le cœur du problème est là : les soldes ne créent plus de valeur. Elles déplacent la demande sans l’augmenter. Et dans une économie française encore convalescente, la rentabilité ne peut pas reposer uniquement sur une logique de rabais massif deux fois par an.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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