Candidat assumé à la présidentielle de 2027, Édouard Philippe doit faire face à une nouvelle plainte visant sa gestion de la Cité numérique du Havre. Une lanceuse d’alerte a saisi un juge d’instruction. L’affaire prend un tour judiciaire inédit.
Accusation de détournement de fonds : Édouard Philippe visé par une lanceuse d’alerte

Une convention publique, un unique bénéficiaire, plus de deux millions d’euros, et un soupçon de favoritisme : les accusations sont lourdes. Et elles tombent à un moment-clé pour le maire du Havre.
Une plainte qui relance une affaire déjà sensible
La plainte a été déposée le 20 juin 2025 à Paris par une ex-haute fonctionnaire, aujourd’hui reconnue comme lanceuse d’alerte. Selon son avocat, Me Jérôme Karsenti, elle vise notamment Édouard Philippe pour détournement de fonds publics, favoritisme, harcèlement moral, prise illégale d’intérêt et concussion. Pour rappel, le parquet national financier (PNF) enquête déjà sur les mêmes faits depuis septembre 2023, après une première plainte ayant conduit à des perquisitions au printemps 2024. Le maire du Havre, qui réfute l’ensemble des accusations, dénonce « une triste vendetta […] qui n’a rien à voir avec le cri d’une lanceuse d’alerte mais tout à voir avec l’insatisfaction d’une haute fonctionnaire dont le contrat n’a pas été renouvelé ». Sont aussi visées Stéphanie de Bazelaire, adjointe à l’innovation, et Claire-Sophie Tasias, directrice générale des services de la communauté urbaine du Havre.
Au centre de l’affaire, une convention d’objectifs pluriannuelle signée en juillet 2020 par Édouard Philippe, en sa qualité de président de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole. L’objet du contrat ? L’animation de la Cité numérique du Havre, confiée à l’association LH French Tech, présidée bénévolement par son adjointe Stéphanie de Bazelaire. Le montant en jeu : 2,154 millions d’euros de fonds publics dans le cadre d’un service d’intérêt économique général (SIEG). Une seule candidature avait été reçue à l’issue de l’appel à manifestation d’intérêt lancé en mars 2020. Pour Judith, la plaignante, le conflit d’intérêts est manifeste : « Quand vous avez déjà travaillé dans une collectivité, vous tombez de votre chaise ».
Une menace pour Philippe en vue des présidentielles ?
Judith (un prénom modifié), directrice générale adjointe de la communauté urbaine entre septembre 2020 et avril 2023, décrit une gestion opaque, une masse salariale surdimensionnée, et une activité réduite. « Ça devrait grouiller de start-up, d’entrepreneurs, de formations, et c’était très vide », confie-t-elle. Elle affirme avoir été chargée de « remplir les salles » pour donner une impression de dynamisme lors des événements. Après avoir alerté sa hiérarchie, elle dit avoir subi un harcèlement moral avant de voir son contrat non renouvelé. Elle a été placée en arrêt maladie, puis a quitté la collectivité. En 2023, LH French Tech a été placée en liquidation judiciaire. Le statut de lanceuse d’alerte, reconnu par le Défenseur des droits, est contesté par la collectivité devant la justice administrative.
Cette nouvelle plainte intervient alors qu’Édouard Philippe est considéré comme l’un des candidats les plus sérieux à la présidentielle de 2027. L’avocat de la plaignante dénonce « une tétanie du parquet national financier » face à « un futur probable candidat à la présidentielle », évoquant un « syndrome Fillon ». Selon une source judiciaire citée par l’AFP, « les investigations sont toujours en cours, avec l’exploitation des documents saisis en perquisition ». Le PNF n’a fait à ce jour aucune mise en cause publique, et la chronologie de l’instruction reste incertaine. Mais l’onde de choc judiciaire dépasse déjà la seule sphère locale. Le dossier devient désormais un enjeu national.