Épuisement, douleurs, renoncements invisibles : derrière les façades des commerces et les contrats, il y a de la souffrance. La santé des dirigeants français est au bord de la crise.
Alerte générale sur la santé des dirigeants français !

Ils sont la colonne vertébrale de l’économie française, pourtant leur santé s’effondre. Le 17 juin 2025, la Fondation MMA des Entrepreneurs du Futur et Bpifrance Le Lab ont publié une étude alarmante sur l’état physique et psychologique des dirigeants de TPE, PME et ETI. Pour la première fois depuis la crise du Covid-19, une dégradation majeure est enregistrée, révélant l’envers d’un quotidien sous pression.
Santé mentale : les dirigeants en perte d'équilibre psychologique
La situation est claire. En 2025, un dirigeant sur trois est en mauvaise santé psychologique. Ce chiffre, en hausse de huit points par rapport à 2024, illustre une réalité que l’on ne peut plus ignorer. Le taux de dirigeants déclarant être en bonne forme psychologique tombe à 68 %, contre 76 à 80 % les années précédentes.
Certaines différences sont notables : 39 % des responsables du secteur des services à la personne déclarent être en mauvaise forme psychologique, contre 25 % dans l’industrie. De même, les dirigeants détenant 100 % du capital de leur entreprise sont plus touchés (37 %) que ceux qui ne sont pas actionnaires (22 %).
L’âge de la structure joue aussi : 35 % des dirigeants de sociétés âgées de 15 à 20 ans déclarent être en mauvaise santé psychologique, contre seulement 17 % pour ceux dont l’entreprise a moins de trois ans. Cela suggère une fatigue mentale chronique, accrue par la durée de l’engagement entrepreneurial.
Forme physique : des symptômes en nette hausse
Derrière l’apparente robustesse, les douleurs s’accumulent. 82 % des dirigeants déclarent souffrir de troubles physiques ou psychologiques — un bond de 11 points par rapport à 2024. En 2021, ce taux s’élevait encore à 59 %. Les pathologies les plus courantes ? Le mal de dos touche 52 % des dirigeants, les troubles du sommeil et les troubles anxieux grimpent à 48 %. Les douleurs articulaires, migraines et problèmes digestifs progressent également. Les plus touchés ? 91 % des dirigeants du secteur agricole et 88 % dans le social et la santé, contre 77 % dans le public.
Cette dynamique inquiétante s’accompagne d’un renoncement au suivi médical : 11 % des dirigeants ne consultent jamais un médecin, un taux qui monte à 18 % dans l’hôtellerie-restauration. 34 % ont annulé un rendez-vous médical dans l’année, souvent par manque de temps ou pour privilégier leur entreprise.
Consommations à risque : un tabou levé, mais une aide encore marginale
Pour la première fois, l’étude interroge sur les consommations à risque d’alcool, tabac, médicaments et drogues. Les résultats sont saisissants : un dirigeant sur quatre démontre une consommation à risque. Cela inclut une prise hebdomadaire d’alcool supérieure à huit verres, une consommation quotidienne de tabac, ou encore l’usage mensuel de drogues ou de médicaments contre l’anxiété ou la dépression.
Dans le détail :
- 52 % consomment de l’alcool au moins une fois par mois, dont 65 % de manière hebdomadaire ;
- 21 % fument (cigarette ou vapotage), un niveau comparable à la moyenne nationale ;
- Seuls 5 % déclarent consommer des anxiolytiques ou antidépresseurs, contre 21 % dans la population générale ;
- 2 % déclarent une consommation de stupéfiants, inférieure à la moyenne nationale (3,4 %).
Interrogés sur leurs motivations, 49 % évoquent une consommation “par habitude”, 42 % pour se détendre, 40 % par plaisir. Les usages liés à la performance sont très rares (8 %). Et pourtant, seuls 8 % estiment que cela affecte leur quotidien, et 4 % reconnaissent un impact sur leur entreprise.
L’aide psychologique, encore trop peu sollicitée par les dirigeants
Un quart des dirigeants avouent avoir souffert ou souffrir d’une addiction. Pourtant, 60 % d’entre eux n’ont jamais cherché de soutien. Parmi ceux qui l’ont fait, 74 % se sont tournés vers un professionnel de santé. Pour Sylvie Bonello, déléguée générale de la Fondation MMA des Entrepreneurs du Futur, « alors qu’ils font preuve d’une force de résilience absolument remarquable depuis la Covid, les femmes et hommes dirigeants montrent de premiers signes d’essoufflement, qu’il nous faudra surveiller et accompagner. »
« La santé des dirigeants de TPE/PME, souvent propriétaires de leur entreprise, est le premier actif hors bilan de l’entreprise », rappelle Élise Tissier, directrice de Bpifrance Le Lab. Cet actif, essentiel mais invisible, s’est visiblement détérioré. Et même si l’industrie et les jeunes entreprises apparaissent comme des zones de résistance, le tableau général dessine une détresse sourde, trop longtemps ignorée.