L’avenir de nos penderies se décide désormais au Sénat. Un texte explosif, des marques dans le viseur, et une promesse gouvernementale : moraliser la mode rapide. Voici ce qu’il faut savoir sur la nouvelle loi sur la fast-fashion ?
La loi anti fast-fashion adoptée : combien ça va vous coûter ?

Le mardi 10 juin 2025, le Sénat français a adopté sans surprise un texte de loi visant à restreindre la progression fulgurante de la fast-fashion, ce modèle économique fondé sur la production massive, rapide et bon marché de vêtements. Ce vote marque une étape charnière dans la volonté des pouvoirs publics de mieux encadrer un secteur accusé de ravager l’environnement et d'exploiter les inégalités mondiales.
Une loi anti fast-fashion adoptée : les sénateurs haussent le ton
Le Sénat a adopté le texte à une écrasante majorité, avec 342 voix pour et 1 seule contre, selon les informations de FashionNetwork. L'initiative a été portée par la sénatrice Marta de Cidrac (Les Républicains), déjà autrice du premier rapport parlementaire sur la fast-fashion en 2023.
La proposition de loi cible principalement les enseignes aux prix cassés et au rythme effréné, notamment Shein, dont le nom a été cité à plusieurs reprises durant les débats. En filigrane, ce vote est aussi un signal politique fort adressé à des géants du e-commerce basés en Chine, accusés de contourner les normes européennes via des plateformes transfrontalières. Shein, de son côté, a déjà anticipé la parade et prévoit de fabriquer une partie de ses vêtements en Inde.
Le texte prévoit notamment la fin de la publicité pour les marques jugées ultra-polluantes, un étiquetage environnemental obligatoire, ainsi que des sanctions financières dissuasives. L’Assemblée nationale ayant déjà voté une version similaire en mars dernier, la prochaine étape consistera en une Commission mixte paritaire à l’automne 2025, censée harmoniser les deux versions du texte.
Surcoût pour les colis, quotas, alertes… Que contient la loi anti fast-fashion ?
Le cœur du dispositif repose sur plusieurs mesures inédites en Europe, visant à ralentir l’essor de la mode jetable :
- Écotaxe progressive : jusqu’à 10 euros par article pour les produits jugés trop polluants ou vendus en trop grandes quantités. Cette taxe s’ajoute au prix final payé par les consommateurs.
- Quota annuel de référence : les marques seront classées selon le volume de nouveautés mis sur le marché. Un plafond pourrait être imposé à certaines enseignes.
- Suspension de publicité : les campagnes jugées incitatives à la surconsommation seront interdites pour les marques ne respectant pas certains critères environnementaux.
- Affichage environnemental renforcé : chaque vêtement devra intégrer une fiche indiquant son impact carbone, la provenance des matières, le coût environnemental de sa fabrication.
Selon le Le Monde, le dispositif vise une forme de « sobriété textile », incitant à une consommation plus lente, plus consciente, et moins axée sur la nouveauté constante.
Le consommateur français va payer cher
C’est le prix final qui servira de levier de dissuasion. Pour la première fois, une écotaxe directement répercutée sur le prix d’achat affectera massivement les clients des plateformes de mode rapide. À titre d’exemple, une robe à 8 euros pourrait passer à 18 euros si elle est soumise à la taxation maximale.
Mais l’addition pourrait s’avérer salée pour les foyers modestes, particulièrement friands de ces vêtements bon marché. D’où la critique formulée par certaines ONG, notamment Zero Waste France, qui dénoncent une loi « réductrice » risquant de frapper les consommateurs, sans pour autant encadrer suffisamment les producteurs.
Le lobbying en embuscade et les limites du texte actuel
Le Réseau National des Ressourceries, Max Havelaar France et Les Amis de la Terre ont publié un communiqué commun accusant le gouvernement de « réduire drastiquement la portée initiale du texte », d’après Zero Waste France. Initialement pensée comme une régulation globale de la fast-fashion, la loi a été recentrée sur la « mode ultra-éphémère », une catégorie aux contours flous, laissant de côté de nombreuses enseignes.
La Commission mixte paritaire prévue pour septembre 2025 pourrait modifier les seuils de taxation, réintroduire des sanctions plus fortes contre les importateurs ou encore clarifier la notion de « fréquence de renouvellement des collections ». Mais selon plusieurs sénateurs écologistes, cette instance pourrait aussi être l’occasion pour certains acteurs de "vider le texte de sa substance".
Fast-fashion : la bataille est peut-être terminée, mais la guerre ne fais que commencer
L’adoption de cette loi ne signe pas la fin de la fast-fashion. Les plus grandes plateformes chinoises disposent de marges importantes pour absorber les coûts. Les outils de contournement sont légion : livraisons fractionnées, transit par des pays tiers, ou ajustement cosmétique de leurs catalogues pour échapper aux quotas.
L’objectif affiché par la majorité sénatoriale est de créer un précédent européen, en attendant une directive continentale plus large. Mais en l’état, le texte adopté représente davantage un signal politique qu’un véritable tournant industriel. Entre volonté politique affichée et réalité économique contraignante, la loi anti fast-fashion pose une première pierre, fragile mais visible, dans l’édifice d’une mode plus responsable. À moins que tout ne soit remis en question dès la fin de l’été ?