Google forcé de vendre son navigateur Chrome ? Les utilisateurs dans l’inconnu

Le 21 avril 2025 marque un tournant majeur dans le procès antitrust engagé par le ministère américain de la Justice (DoJ) contre Google. Ce procès pourrait aboutir à une décision aussi radicale qu’inédite : forcer Google à se défaire de Chrome, son navigateur utilisé par des milliards d’internautes. Une hypothèse de plus en plus tangible après la condamnation du géant pour abus de position dominante, en août 2024.

Anton Kunin
By Anton Kunin Published on 22 avril 2025 8h04
Google Chrome Proces Doj Monopole
Google forcé de vendre son navigateur Chrome ? Les utilisateurs dans l’inconnu - © Economie Matin
20 milliards d’eurosLa valeur du navigateur Chrome oscille entre 15 et 20 milliards d’euros.

Chrome : la pièce maîtresse du puzzle de Google

Chrome n’est pas un navigateur comme les autres. C’est la porte d’entrée du Web pour plus de 3,45 milliards d’utilisateurs à travers le monde. C’est aussi un relais stratégique pour acheminer la publicité, collecter des données... et imposer la recherche Google par défaut.

Mais pour le DoJ, cet avantage est devenu une entrave à la concurrence. Les procureurs américains affirment que « Google a acquis et maintenu un pouvoir de monopole de manière volontaire ». Le ministère exige que l’entreprise diveste Chrome, c’est-à-dire le vende à une entité extérieure. Une mesure que le DoJ considère comme essentielle pour « rétablir l’équilibre du marché » — quitte à bousculer l’ordre établi du numérique.

Google contre-attaque : une séparation jugée « extrême »

Du côté de Mountain View, la riposte est immédiate. Google dénonce des mesures « extrêmes » et « disproportionnées », affirmant que le découplage de Chrome serait non seulement inutile, mais dangereux. Dans un billet de blog officiel, Lee-Anne Mulholland, la vice-présidente des affaires réglementaires de Google, met en garde : « La proposition du DoJ freinerait le développement de notre intelligence artificielle, imposerait un comité gouvernemental sur la conception de nos produits et freinerait l’innovation américaine à un moment critique ».

Google martèle aussi un autre argument : Chrome ne constitue pas un levier suffisant pour justifier une cession. L’entreprise estime que d’autres navigateurs utilisent également Google comme moteur par défaut, preuve que le lien entre navigateur et monopole est exagéré.

Navigateur Google Chrome Vente Justice

Entre fragmentation et incertitude : quelles conséquences pour les utilisateurs ?

Si le juge Mehta entérine cette mesure, les conséquences pourraient être titanesques. L’intégration fluide des services Google — de Gmail à Google Drive en passant par la recherche — repose sur Chrome. Le séparer reviendrait à casser l’ossature même de l’expérience utilisateur. On pourrait aussi s'inquiéter pour la sécurité : sans l’appui de Google, Chromium — la base open source de Chrome — pourrait être affaibli, rendant les navigateurs alternatifs moins sûrs. Le géant n’hésite pas à brandir l’argument de la cybersécurité et de la souveraineté technologique, en évoquant la concurrence avec la Chine dans le domaine de l'intelligence artificielle.

Un précédent judiciaire hors normes

Le procès en cours est considéré comme l’un des plus importants depuis celui contre Microsoft dans les années 1990. Le DoJ et une coalition de procureurs généraux de plusieurs États s’attaquent non seulement à Chrome, mais aussi à Android et aux contrats d’exclusivité passés avec Apple ou Mozilla. « Ce n’est pas une victoire à la Pyrrhus que nous cherchons », a lancé l’avocat du DoJ, David Dahlquist, lors de l’ouverture des audiences. « Il est temps que le tribunal rappelle aux monopoles qu’il y a des conséquences lorsqu’on enfreint les lois antitrust. »

Le juge Amit P. Mehta, déjà auteur d’un verdict décisif en 2024, doit rendre sa décision sur les « remèdes » d’ici août 2025. Mais quel que soit le verdict, Google a déjà annoncé son intention de faire appel, ce qui pourrait repousser l’application de ces mesures à 2026, voire au-delà.

Une vente possible… mais à quel prix ?

Selon Bloomberg, la valeur de Chrome oscille entre 15 et 20 milliards d’euros, mais sa vente représenterait un défi unique : quel acteur technologique accepterait de reprendre un outil aussi imbriqué dans les algorithmes et services de Google ? Et surtout, avec quelles garanties pour les utilisateurs, en matière de confidentialité, de compatibilité et de transparence ?

Certains évoquent Microsoft ou DuckDuckGo comme candidats potentiels, d’autres imaginent un spin-off indépendant. Le DoJ assure que « plusieurs entités pourraient réaligner instantanément le marché de la recherche si Chrome leur était confié ».

Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

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