Et si les smartphones devenaient les nouveaux compagnons de dix ans ? Tandis que les géants du secteur nous incitent à changer d’appareil au rythme des saisons, deux acteurs bien connus du numérique prennent le contrepied… et entendent bien ringardiser l’obsolescence.
Smartphone : iFixit et Back Market veulent les faire durer 10 ans

Le 16 avril 2025, un partenariat stratégique entre iFixit et Back Market a été rendu public, plaçant la réparation au cœur d’une offensive commune contre le gaspillage technologique. En misant sur une synergie inédite entre le recyclage, la vente de smartphones reconditionnés et la fourniture d’outils de réparation, les deux entreprises entendent bousculer les pratiques établies. Objectif : prolonger drastiquement la durée de vie des appareils électroniques, en phase avec une demande croissante des consommateurs.
Un partenariat réparation pour allonger la vie des smartphones
Le mariage entre Back Market, champion français du reconditionnement, et iFixit, figure mondiale de la réparation en libre accès, n’a rien d’un simple coup marketing. Il s’agit d’une intégration opérationnelle concrète : désormais, les clients de Back Market pourront accéder directement aux kits de réparation iFixit, pièces détachées et guides inclus, sans quitter la plateforme.
Concrètement, cela signifie que l’achat d’un smartphone reconditionné sera immédiatement associé à la possibilité de l’entretenir sur le long terme. Besoin de changer une batterie ? D’un outil pour démonter un écran ? Ou d’un kit pour nettoyer ses écouteurs ? Plus besoin de fouiller les tréfonds d’Internet : tout est proposé sur place. « Nous voulons que la réparation soit aussi simple que d’ajouter un article au panier », déclare iFixit dans son communiqué officiel publié le 16 avril 2025 sur son site.
Cette logique vise à créer une boucle circulaire vertueuse : l’appareil reconditionné bénéficie d’une nouvelle vie, prolongée par l’utilisateur grâce à la réparation, avant d’être transmis à un autre foyer. Une manière très concrète d’installer durablement la technologie dans une logique anti-obsolescence.
La réparation comme levier environnemental et économique
Les chiffres sont implacables. D’après une analyse d’iFixit relayée sur son blog officiel, 68 % des émissions de CO₂ liées aux smartphones peuvent être éliminées si leur durée de vie passe de 2,5 ans à 10 ans. Cela représente 21 millions de tonnes de CO₂ économisées par an — soit l’équivalent de la consommation énergétique annuelle de toute la baie de San Francisco. Back Market précise par ailleurs que plus de 30 millions d’appareils ont déjà été revendus via sa plateforme, évitant 1,6 milliard de kg de CO₂. L’impact est donc mesurable, tangible, et potentiellement exponentiel.
Côté consommateurs, l’adhésion est massive. Selon une étude OpinionWay publiée le 17 avril 2025 et menée en partenariat avec Back Market, 94 % des Français se disent prêts à garder leur téléphone “beaucoup plus longtemps”… à condition que les fabricants jouent le jeu. Autrement dit : si les mises à jour logicielles sont assurées, si les pièces détachées sont disponibles et si la réparabilité est garantie, l’envie de changement diminue.
Réparation de smartphones : une offensive contre la “fast tech”
Mais le nerf de la guerre reste politique. L’accès aux pièces, la fin du verrouillage logiciel (activation lock), et l’obligation de suivi logiciel sont au cœur du combat mené par iFixit depuis plus de vingt ans. Back Market, de son côté, a rejoint dès 2021 la campagne Right to Repair Europe, et s’est associé en 2025 à The Repair Association, renforçant ainsi la portée transatlantique du mouvement.
La stratégie est claire : faire pression sur les géants du secteur (Apple, Samsung, Google…) pour qu’ils assurent 10 années de mises à jour et la disponibilité réelle des pièces. Comme le souligne iFixit : « Si le matériel fonctionne encore, rien ne justifie de le remplacer. »
Le partenariat agit donc comme une réponse à une industrie dopée à l’obsolescence programmée, que Back Market n’hésite pas à qualifier de « modèle d’hyperconsommation dopé par le marketing, le design jetable et l’obsolescence programmée », souligne Les Numériques.
Les conditions d’un succès à long terme
Certes, les initiatives publiques commencent à se multiplier : bonus réparation, indice de réparabilité, lois européennes sur le droit à la réparation. Mais elles restent en deçà des attentes.
Actuellement, en France, les constructeurs n’ont l’obligation de fournir des pièces détachées que durant 5 ans après la mise sur le marché d’un modèle. Les mises à jour logicielles, elles, s’interrompent souvent bien avant. Et les garanties commerciales s’éteignent au bout de 24 mois.
Pour que l’écosystème de la réparation devienne viable, il faudra donc une convergence : pressions citoyennes, engagement politique, transformation industrielle… et partenariats comme celui entre iFixit et Back Market. Une initiative qui entend démontrer que réparer n’est pas seulement possible, mais désirable, rentable et nécessaire.
Alors que le smartphone s’impose comme l’objet technologique central de notre quotidien, iFixit et Back Market posent une question dérangeante à l’industrie : pourquoi devrions-nous le remplacer si souvent ? En créant un pont direct entre réparation et recyclage, les deux partenaires espèrent bien rééduquer consommateurs… et constructeurs.