Les ZFE sauvées par le leasing social, les automobilistes délaissés

Un leasing social à 100 euros par mois pour faire passer la pilule ZFE : l’exécutif sort une nouvelle carte. Et pour des millions d’automobilistes coincés entre leur RER bondé et leur vieille Clio diesel, l’annonce sent autant le soulagement que l’arnaque à peine masquée.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 23 mai 2025 15h00
zfe, renault, R5, électrique, voiture électrique, panne, forum, plainte, immobilisation
Les ZFE sauvées par le leasing social, les automobilistes délaissés - © Economie Matin
50 00050 000 véhicules électriques seront proposés pour un loyer mensuel de 100 euros

Le 21 mai 2025, le gouvernement a présenté un projet d'arrêté au Conseil supérieur de l'énergie visant à relancer le leasing social électrique. Particularité de cette deuxième mouture : une partie du dispositif serait réservée aux personnes qui travaillent dans une ZFE – une zone à faibles émissions. Derrière cette mesure, un calcul économique froid : prolonger la vie d’un dispositif contesté tout en ménageant les électeurs modestes. Mais à quel prix, et pour qui ?

Une subvention électrique à double vitesse

Les chiffres, en apparence, sont séduisants. 50 000 véhicules électriques seront proposés au prix d’un loyer mensuel de 100 euros, selon un schéma d’aide désormais bien rodé : 7 380 euros pris en charge par les certificats d’économie d’énergie (CEE), auxquels s’ajoutent 4 000 euros de bonus écologique pour les ménages modestes. Soit 11 380 euros d’aide publique pour changer de voiture.

Mais cette générosité apparente masque une réalité plus cynique. Cette année, le budget global du dispositif est limité à 369 millions d’euros, contre près de 700 millions en 2024 pour la première version du leasing social. Résultat : le dispositif est plus ciblé, plus restrictif… et plus politique.

Le gouvernement entend réserver 10 % des véhicules aux salariés dont le lieu de travail est situé dans une ZFE. Soit 5 000 voitures sur 50 000. Ce quota fait bondir certains observateurs : pour une majorité de Français exclus de ces zones faute de moyens pour acheter un véhicule compatible, ce chiffre est perçu comme dérisoire, voire insultant.

Une tentative de sauvetage des ZFE... aux frais des autres

Derrière cette annonce, l’objectif est limpide : sauver les ZFE, contestées de toutes parts et menacées d’être vidées de leur substance par les parlementaires. L’Assemblée nationale a d’ailleurs suspendu début mai ses débats sur le projet de simplification, qui incluait des mesures de recul sur les ZFE. En clair, le gouvernement temporise.

Mais cette relance du leasing social ressemble à une manœuvre comptable autant qu’à un geste solidaire. Le financement passe intégralement par les CEE, et donc in fine par les fournisseurs d’énergie… et leurs clients. Aucun crédit budgétaire de l’État, aucun débat au Parlement. Une discrétion qui interroge.

Et surtout, une inégalité manifeste : les 45 000 autres véhicules ne seront pas accessibles à ceux qui vivent en ZFE… mais uniquement à ceux qui remplissent les critères sociaux. Autrement dit, pour beaucoup de Français modestes mais « trop riches » pour entrer dans les cases de l’administration, l’exclusion continue.

Une rustine pour les exclus de la mobilité

Les critiques ne se font pas attendre. Si certains ménages respirent enfin à l’idée de pouvoir accéder à une voiture autorisée en ZFE, d’autres dénoncent une discrimination à l’envers : on privilégie les salariés des métropoles, mais on ignore ceux des territoires ruraux ou périurbains, pourtant tout aussi dépendants de leur voiture.

Et les perspectives ne rassurent pas. Le nombre de ZFE était censé exploser à partir de 2025, avec des restrictions de circulation drastiques pour les véhicules Crit’Air 3 et plus. Dans les faits, seules Paris et Lyon maintiennent leur calendrier. Les autres collectivités freinent, reportent, ou abandonnent. Pourtant, le gouvernement maintient coûte que coûte une incitation financière pour un dispositif de plus en plus minoritaire.

Le leasing social nouvelle génération risque donc de générer plus de frustration que de soulagement. Trop peu de bénéficiaires, des critères complexes, un financement opaque… et surtout, le sentiment persistant que les règles du jeu changent en permanence, au gré des humeurs politiques.

Ce nouveau leasing social est-il un progrès ? Peut-être. Mais il n’efface ni l’arbitraire du déploiement des ZFE, ni l’injustice ressentie par ceux qui n’ont ni les moyens, ni les aides, ni les options. Les 100 euros par mois sont peut-être un soulagement pour certains. Pour d’autres, c’est la preuve de plus que la transition écologique en France se construit sur un patchwork de demi-mesures, de quotas flous et de lignes budgétaires déguisées.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

No comment on «Les ZFE sauvées par le leasing social, les automobilistes délaissés»

Leave a comment

* Required fields