Et si le vrai théâtre de la puissance se jouait loin de Pékin et Washington ? À Hanoï, Emmanuel Macron a déroulé l’arsenal diplomatique et industriel français, multipliant les accords comme autant de jalons dans une stratégie de reconquête régionale.
Visite d’Emmanuel Macron au Vietnam : une pluie de contrats pour 9 milliards d’euros
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Last modified on 27 mai 2025 8h21
9 milliards d’eurosAu Vietnam, les entreprises françaises ont signé des contrats pour un montant cumulé de 9 milliards d’euros.
Aéronautique, satellites, vaccins : le Vietnam sur orbite française
Le 26 mai 2025, Emmanuel Macron foulait le sol vietnamien pour la première fois depuis son élection à la présidence de la République. Cette visite officielle, très attendue, n’avait rien d’un simple échange de civilités : elle s’est transformée en démonstration de force économique, avec la signature de quatorze accords majeurs entre la France et le Vietnam. Des contrats d’un montant cumulé de 9 milliards d’euros ont été annoncés, donnant à ce déplacement une dimension stratégique inédite.
L’un des volets les plus spectaculaires de cette visite fut sans conteste l’accord signé entre Airbus et la compagnie VietJet. La firme vietnamienne s’est engagée à acquérir 20 avions A330-900, consolidant ainsi la position déjà dominante d’Airbus sur le marché vietnamien, où il détient 86% de part de marché. Ce contrat représente à lui seul plusieurs milliards d’euros, selon les estimations du constructeur européen.
Mais l’aérien n’était qu’un début. Airbus Defence and Space a, de son côté, paraphé une déclaration d’intention portant sur la fourniture de satellites d’observation de la Terre. L’espace devient ainsi un nouveau terrain de coopération entre Paris et Hanoï, dans un contexte régional tendu où les données satellitaires sont devenues un enjeu de souveraineté.
Sur le plan sanitaire, le groupe Sanofi a conclu un partenariat stratégique avec le gouvernement vietnamien pour développer des solutions vaccinales localisées, accentuant la transition du pays vers une production pharmaceutique autonome.
Nucléaire, infrastructures et cybersécurité : les piliers d’une alliance industrielle
En matière d’énergie, la France s’est positionnée comme partenaire de référence dans le développement du nucléaire civil vietnamien. Cette initiative s’inscrit dans le prolongement des engagements pris dans le cadre du Partenariat pour une transition énergétique juste (JETP). Il s’agit de renforcer l’indépendance énergétique du Vietnam tout en respectant ses objectifs de réduction carbone.
Le secteur des infrastructures n’est pas en reste. Un accord de coopération ferroviaire vise à réhabiliter et moderniser le réseau ferré national. Ce partenariat s’articule autour de transferts de technologies françaises, avec un soutien aux entreprises locales et une implication directe de plusieurs groupes d’ingénierie français.
En parallèle, un accord de défense intégrant la cybersécurité et la lutte contre le terrorisme a été signé, illustrant la montée en puissance du pilier sécuritaire dans la relation bilatérale. Un haut conseiller diplomatique français a résumé la logique de ces accords par une formule cinglante : « Nous ne faisons pas de l’amitié à crédit, nous installons des bases solides ».
Logistique et maritime : l'offensive de CMA CGM au port de Hai Phong
Dernier volet, mais non le moindre : le groupe CMA CGM a officialisé un investissement de 527 millions d’euros dans un terminal portuaire à Hai Phong, le plus grand port du nord du Vietnam. Cette infrastructure stratégique permettra de fluidifier le trafic maritime vers l’Europe et renforcera la connectivité logistique entre l’Asie du Sud-Est et la façade atlantique.
Cet investissement ne répond pas seulement à une logique commerciale : il entre aussi dans le cadre de la stratégie indo-pacifique française, qui vise à offrir une alternative aux projets d’infrastructure chinois tels que la Belt and Road Initiative.
Un sommet diplomatique à visée géopolitique affirmée
Au-delà des accords économiques, cette visite a offert à Emmanuel Macron une tribune pour défendre un ordre international fondé sur le droit, loin des logiques d’alignement géopolitique. Face aux tensions croissantes entre Washington et Pékin, le président français a proposé la France comme « troisième voie ».
Devant son homologue vietnamien, Luong Cuong, Macron a affirmé : « C’est bien une nouvelle page qui s’écrit entre nos deux pays [...] une volonté d’écrire une page encore plus ambitieuse de la relation entre le Vietnam et la France, entre l’Asean et l’Union européenne ».
Une stratégie d’influence assumée
Ce déplacement vietnamien, premier d’un président français depuis près de dix ans, marque un tournant. À Hanoï, Emmanuel Macron a entériné une alliance industrielle aux ramifications multiples, allant de l’aéronautique à la cybersécurité. Dans le même temps, il a renforcé la position de la France dans une région clé du globe.
À l’heure où les géants s’affrontent, la France trace sa route. Pas comme un empire, mais comme une puissance d’équilibre. Un pari risqué, mais lucide.