Une usine connectée a besoin de leaders connectés

Un meilleur alignement stratégique est nécessaire parmi les dirigeants du secteur de la fabrication. Selon une étude récente, 38 % des cadres exécutifs (C-suite), 42 % des responsables informatiques (IT) et 45 % des responsables des technologies opérationnelles (OT) se considèrent comme les principaux moteurs de la technologie dédiée au personnel d’usine.

Stephan Pottel
By Stéphan Pottel Published on 15 juillet 2025 5h30
loi-industrie-verte-reindustrialisation
loi-industrie-verte-reindustrialisation - © Economie Matin
67%67 % des dirigeants en Europe déclarent ne pas savoir comment initier la transformation numérique de leurs usines.

Bien que ces leaders partagent des objectifs communs autour de la digitalisation, de la productivité et des enjeux liés à la main-d’œuvre, il est essentiel de clarifier qui porte la vision stratégique.

Cependant, 67 % des dirigeants en Europe déclarent ne pas savoir comment initier la transformation numérique de leurs usines. Parmi les principaux obstacles identifiés figurent la difficulté à cibler les défis commerciaux ou les zones de production prioritaires, les contraintes budgétaires et de ressources, ainsi que la capacité à faire évoluer les projets de la phase pilote à un déploiement global au sein de l’organisation.

Alors que 57 % des dirigeants du secteur de la fabrication dans le monde (contre 49 % en Europe) prévoient d’améliorer la visibilité sur la production et l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement d’ici 2029, un tiers estime que le désaccord entre les équipes IT et OT sur les investissements constitue un frein majeur à la digitalisation des opérations. Parallèlement, une large majorité des dirigeants se prépare à investir davantage dans les technologies et les infrastructures physiques (89 %), ainsi que dans les ressources humaines (80 %).

Ces projets d’investissement témoignent d’une ambition forte et d’un réel potentiel. Cependant, sans un alignement stratégique clair entre les différentes parties prenantes, et sans une vision précise sur la manière de lancer, financer et déployer les projets à grande échelle, le risque d’erreurs d’investissement et de mauvaise exécution reste élevé. D’où la nécessité d’un cadre structurant, tel qu’un modèle d’usine connectée, pour garantir la cohérence stratégique et l’efficacité opérationnelle.

Pas d’IA dans l’industrie sans données de qualité

L’étude montre également que 54 % des fabricants en Europe (61 % dans le monde) s’attendent à ce que l’IA stimule la croissance d’ici 2029. Cette forte adoption de l’IA, associée à l’accent mis par 92 % des répondants sur la transformation numérique, révèle la volonté des fabricants d’optimiser la gestion des données et d’utiliser les nouvelles technologies pour améliorer la visibilité et la qualité à chaque étape du processus de fabrication. Au cours des cinq prochaines années, les décideurs prévoient de promouvoir l’automatisation des processus en exploitant le deep learning (63 %) et le machine learning (64 %), tandis que les grands modèles de langages (64 %) et les workflows prescriptifs (59 %) seront utilisés pour soutenir l’automatisation des décisions.

Lors du sommet de l’IA à Paris, il y a quelques mois, l’accent a été mis sur les investissements massifs, la prise de risque maîtrisée et la course à l’innovation pour maximiser les bénéfices de l’IA, tant pour les entreprises que pour la société. Un signal fort qui devrait inciter les dirigeants du secteur de la fabrication à affiner leur stratégie d’investissement en matière d’IA, malgré les défis économiques, l’instabilité de la demande et les tensions géopolitiques.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré : « L’IA en Europe se concentre sur son adoption dans des applications complexes, en s’appuyant sur nos données industrielles et notre savoir-faire unique ». En effet, les cas d’usage dans les secteurs de la pharmacie, l’automobile ou l'agroalimentaire exigent des solutions d’IA plus avancées, telles que le deep learning et les logiciels de numérisation 3D, pour les gérer efficacement.

Cependant, ces ambitions reposent avant tout sur l’accès à des données de haute qualité et à forte valeur ajoutée, essentielles dans de nombreux processus industriels. « Les industries pourront collaborer et partager leurs données. Nous créons donc un environnement sécurisé, car l’IA a besoin à la fois de concurrence et de collaboration. », a ajouté Ursula von der Leyen

Le volume de données générées en périphérie des opérations peut être transformé pour créer de la valeur. Elles servent à l'entraînement et au test des modèles d’IA ou à fournir un retour d’information permettant d’optimiser les processus de fabrication et de contrôle qualité. Une fois intégrées, l’IA et les données facilitent l’automatisation des processus grâce aux caméras intelligentes, capteurs et robots guidés par la vision. Cela permet aux dirigeants de redéployer leurs équipes terrain sur des tâches à plus forte valeur stratégique.

Toutefois, les usines fonctionnent souvent en silos, avec peu ou pas de partage de données, même entre les sites utilisant des processus similaires. La diversité des expériences et la disponibilité des équipes compliquent davantage l’obtention de données exploitables, un défi accentué par la difficulté à recruter des talents possédant les compétences et l’expertise nécessaires. Les données doivent être stockées, annotées et partagées, et les données dupliquées, obsolètes et inexactes doivent être supprimées. Elles sont alors prêtes à être utilisées pour des tâches telles que la formation et le test de modèles d'IA. Les fabricants peuvent parvenir à une véritable connectivité de leurs usines s'ils apprennent à exploiter pleinement toutes les données dont ils disposent à travers les workflows, les sites, les pays et les régions, afin de stimuler la croissance et la productivité de leurs équipes terrain.

Des nouveaux outils pour les employés et les workflows

En matière d'exécution stratégique, l'étude révèle que les fabricants modifient leurs stratégies de croissance en intégrant et en renforçant leurs effectifs à l'aide de l'IA et d'autres technologies afin de transformer la fabrication et de constituer des équipes qualifiées au cours des cinq prochaines années.

71 % des dirigeants du secteur de la fabrication prévoient de renforcer les compétences de leurs employés en matière de données et de technologies, tandis que 62% d’entre eux prévoient d’équiper leurs employés de technologies favorisant la mobilité. De plus, ils considèrent le développement continu (61 %), la reconversion et l’amélioration des compétences (66 %) ainsi que le développement des carrières (63 %), comme des priorités clés pour attirer les talents de demain.

Les outils technologiques mis en place par les dirigeants du secteur manufacturier pour leurs travailleurs comprennent des tablettes (54 %), des terminaux mobiles (54 %) et des logiciels de gestion des équipes (57 %). Par ailleurs, 61% des dirigeants envisagent d’utiliser les terminaux mobiles portables pour augmenter les capacités de leurs équipes terrain en constante évolution. Cependant, les responsables C-Suite, IT et OT reconnaissent que les initiatives concernant les équipes doivent aller au-delà de l’amélioration de l'efficacité et de la productivité des travailleurs grâce à la technologie.

La majorité des dirigeants du secteur de la fabrication s’accordent à dire que les investissements dans les solutions d'automatisation intelligente sont motivés par plusieurs facteurs, tels que la volonté d’attribuer des tâches à forte valeur ajoutée aux employés (69 %), de respecter les accords de niveaux de service (69 %) et d’offrir plus de flexibilité sur le site de production (63 %). Ils misent sur des technologies telles que la robotique (63 %), la vision industrielle (66%), l’identification par radiofréquence (RFID) (62 %) et les scanners fixes industriels (53 %) pour transformer ces leviers en moteurs de croissance.

Les fabricants cherchent à transformer les usines en environnements intelligents et connectés, dotés de systèmes modernes qui facilitent les échanges à travers toute la chaîne de production, tout en offrant une visibilité, une efficacité et une flexibilité inédite des ressources.

Les fabricants cherchent à transformer les usines en environnements intelligents et connectés, dotés de systèmes modernes qui facilitent les échanges à travers toute la chaîne de production, tout en offrant une visibilité, une efficacité et une flexibilité inédites des ressources. L’avenir de l’industrie repose sur des données de haute qualité, connectées et alimentant des systèmes d’IA, des informations véritablement en temps réel, et des équipes mieux connectées entre elles, aux données et aux systèmes.

Stephan Pottel

Responsable industrie Europe chez Zebra Technologies.

No comment on «Une usine connectée a besoin de leaders connectés»

Leave a comment

* Required fields