Immigration sans travail : chronique d’un échec annoncé

La question de l’intégration des immigrés par le travail est sur toutes les lèvres, mais les actes politiques suivent-ils vraiment ? Entre inertie administrative et modèle à repenser, la France navigue à vue.

By Alix de Bonnières Published on 25 mai 2025 14h00
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Immigration sans travail : chronique d’un échec annoncé - © Economie Matin
10En France, seuls 10 % des nouveaux arrivants viennent pour travailler.

Le 22 juin 2023, la Fondation iFRAP publiait une analyse incisive : « Immigration : le travail doit être la règle ». À l’heure où la politique migratoire française semble tourner en rond, cette étude relance un débat fondamental : le travail ne devrait-il pas être la condition sine qua non de toute immigration ? Une exigence qui, ailleurs, fonctionne.

Travail : le parent pauvre de l’immigration en France

Depuis 2015, la France a accueilli environ 1,1 million d’immigrés supplémentaires, dont 36 % en situation irrégulière, selon la Fondation iFRAP. Une estimation qui alerte : entre 780 000 et 900 000 personnes seraient aujourd’hui en situation illégale. Pire, l’exécution des OQTF (obligations de quitter le territoire français) plafonne à 6,8 % en 2022, alors qu'en Allemagne, ce taux atteignait 300 000 retours en deux ans. À quoi bon édicter des règles si leur application reste anecdotique ?

Dans ce contexte, les chiffres de l’Insee confirment un déséquilibre structurel : en 2023, le taux de chômage des immigrés (11,2 %) dépassait largement celui des non-immigrés (6,5 %). La fondation note que seuls 10 % des titres de séjour délivrés en France en 2023 l’ont été pour motifs professionnels, contre 41 % pour des raisons familiales. La France, championne du regroupement familial, reste à la traîne sur l’immigration de travail.

Intégration par l’emploi : mythe ou levier oublié ?

Le travail n’est pas un luxe, c’est une nécessité. Loin d’être une simple statistique, l’accès à l’emploi détermine l’intégration, la contribution économique, et même la stabilité sociale des immigrés. La Fondation iFRAP avance qu’un alignement sur le taux d’emploi des immigrés au Royaume-Uni permettrait à 120 000 personnes supplémentaires de rejoindre le marché du travail en France.

Mais comment espérer ce redressement quand le pays continue d’accueillir des personnes sans se soucier de leur insertion professionnelle ? Au Portugal, 30 % des nouveaux arrivants viennent pour travailler. En France ? Seulement 10,5 %. Cherchez l’erreur. Résultat : une population immigrée plus âgée, moins insérée, avec un delta de cinq points dans le taux de chômage entre immigrés et natifs, contre seulement 1,1 point outre-Manche.

Modèles étrangers : le pragmatisme plutôt que le laxisme

À l’étranger, on n’a pas attendu l’avis du Conseil constitutionnel pour agir. Le Canada, entre 2012 et 2022, a doublé son volume d’immigration tout en conditionnant l’accès à la résidence à un emploi stable, bien rémunéré. Là-bas, 60 % des arrivées avaient un motif de travail. Résultat : entre 2010 et 2021, l’écart de taux d’emploi entre natifs et non-natifs s’est réduit de 6 points. Et le revenu moyen des immigrés a bondi de 39 % la première année.

En Allemagne et aux Pays-Bas, demander des aides sociales peut remettre en cause le permis de résidence. Une mesure radicale ? Peut-être. Mais elle fonctionne. Pendant ce temps, en France, les aides sociales restent accessibles à ceux qui n’ont jamais cotisé, prolongeant la dépendance au lieu de favoriser l’autonomie.

Vers une loi qui relie enfin immigration et emploi ?

La loi « immigration », votée le 26 janvier 2024, aurait pu marquer un tournant. Elle introduit la possibilité de régulariser certains travailleurs sans papiers dans des métiers en tension. Mais selon Le Monde, sa mise en œuvre est laborieuse : lourdeurs administratives, application inégale, imprécisions juridiques. Résultat : le principe est posé, mais l’effet reste marginal.

Pour la Fondation iFRAP, il est impératif de rompre avec cette logique : faire de l’immigration une politique d’emploi avant tout. Cela suppose de s’inspirer du modèle canadien, avec un système de points favorisant les candidats jeunes, qualifiés, expérimentés et parlant français ou anglais. La délivrance d’un titre de séjour ne devrait plus être une formalité, mais la récompense d’un projet professionnel crédible.

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