Santé : jusqu’à 14 % des décès liés aux aliments ultra-transformés

Ils sont présents dans les rayons, dans les cantines, dans les placards. Ils sont pratiques, peu chers, et largement consommés. Mais leur place dans nos habitudes alimentaires interroge de plus en plus la communauté scientifique concernant la santé.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 5 mai 2025 15h56
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124 000Jusqu’à 124 000 décès annuels seraient liés à la consommation d’aliments ultra-transformés aux États-Unis.

Le 29 avril 2025, une étude internationale parue dans The American Journal of Preventive Medicine a mis en évidence une association significative entre la consommation d’aliments ultra-transformés et un risque accru de décès prématuré. Cette publication relance le débat sur les conséquences de l’alimentation industrielle dans les pays où ces produits représentent une part croissante de l’apport calorique quotidien.

Alimentation ultra-transformée et santé : ce que révèle l’étude sur la mortalité

Cette étude, coordonnée par Eduardo Augusto Fernandes Nilson de la Fondation Oswaldo Cruz, s’est fondée sur les données de 239 982 adultes âgés de 30 à 69 ans, répartis dans huit pays. Selon les résultats, une augmentation de 10 % de la part d’aliments ultra-transformés (AUT) dans l’alimentation est associée à une hausse de 2,7 % du risque de mortalité prématurée. Les chiffres varient fortement selon les pays. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, où la consommation d’AUT est particulièrement élevée, la proportion de décès prématurés attribuables à ces produits atteint 14 %, contre 3,9 % en Colombie, pays à faible consommation.

L’analyse a été réalisée à partir de sept études prospectives, intégrées dans une méta-analyse à effets aléatoires. Les auteurs ont veillé à harmoniser les données à partir de la classification NOVA, méthode de référence pour catégoriser les aliments selon leur niveau de transformation. L’étude établit une relation dose-réponse, autrement dit un lien proportionnel entre la quantité d’AUT et le risque de mortalité, sans toutefois démontrer une causalité directe.

Une consommation qui diffère selon les régions, mais une tendance commune

Les huit pays analysés ont été classés selon leur niveau de consommation. La Colombie et le Brésil figurent parmi les pays à consommation faible (moins de 20 % de l’apport énergétique), tandis que le Chili et le Mexique affichent des taux intermédiaires (20 à 30 %). Le Canada, l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis dépassent largement les 40 %, avec un nombre de décès attribuables plus élevé. Au total, jusqu’à 124 000 décès annuels seraient liés à la consommation d’aliments ultra-transformés aux États-Unis.

Les aliments concernés sont principalement des produits manufacturés composés d’ingrédients issus de procédés industriels : snacks, plats préparés, boissons sucrées, céréales transformées. Ils sont généralement riches en sucres ajoutés, en graisses saturées et en sel, tout en étant pauvres en fibres, vitamines et micronutriments.

La prolifération des AUT s’explique par leur faible coût, leur disponibilité et leur longue conservation. Néanmoins, leur consommation répétée est corrélée à une augmentation du risque de maladies chroniques : diabète, obésité, maladies cardiovasculaires ou certains cancers.

Des résultats nuancés par plusieurs chercheurs

Si les résultats soulignent une corrélation claire, plusieurs experts appellent à la prudence dans l’interprétation. Le statisticien Stephen Burgess, de l’université de Cambridge, estime dans Euronews : « Il est possible que le véritable facteur de risque causal ne soit pas les aliments ultra-transformés, mais un facteur de risque connexe tel qu’une meilleure condition physique, et que les aliments ultra-transformés ne soient qu’un spectateur innocent. » Il ajoute néanmoins : « Lorsque nous constatons que ces associations se répètent dans de nombreux pays et cultures, nous soupçonnons que les aliments ultra-transformés pourraient être plus qu’un simple spectateur. »

De son côté, la chercheuse Nerys Astbury, professeure associée en nutrition à l’université d’Oxford, déclare dans le même article : « De nombreuses directives et recommandations alimentaires nationales conseillent déjà de réduire la consommation d’aliments à forte densité énergétique, riches en graisses et en sucres, qui entrent généralement dans le groupe des aliments ultra-transformés. » Elle recommande de ne pas précipiter une révision des politiques nutritionnelles uniquement sur cette base.

Une régulation encore limitée, malgré les appels scientifiques

L’étude appelle à une mobilisation coordonnée des politiques de santé publique. Plusieurs pistes sont suggérées : limiter la publicité ciblant les enfants, instaurer une fiscalité différenciée selon le niveau de transformation des produits, soutenir l’agriculture locale et promouvoir les aliments peu transformés dans les institutions publiques.

Pour l’heure, peu de pays ont franchi le cap d’une régulation contraignante. Malgré la multiplication des alertes scientifiques, les mesures restent souvent limitées à des recommandations générales. Les chercheurs insistent sur la nécessité de politiques alimentaires cohérentes, impliquant à la fois les ministères de la Santé, de l’Agriculture et de l’Éducation.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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