Une annonce choc depuis Washington, des laboratoires en ébullition, l’Europe en embuscade. Le président américain a frappé fort en dévoilant une mesure taillée pour bouleverser les équilibres mondiaux du marché pharmaceutique. Mais que cache cette offensive soudaine sur les prix des médicaments ?
Médicaments : la guerre des prix relancée par Trump ?
Le 11 mai 2025, Donald Trump a annoncé la signature imminente d’un décret présidentiel visant à faire baisser le prix de certains médicaments sur le territoire américain. Une mesure au parfum de revanche, inspirée d’un projet bloqué en justice à la fin de son précédent mandat, que Trump remet au goût du jour avec un objectif clair : aligner les prix américains sur les tarifs les plus bas observés à l’étranger.
Un décret présidentiel pour frapper fort sur le prix des médicaments
« Je vais mettre en place une politique de la nation la plus favorisée, selon laquelle les États-Unis paieront le même prix que la nation qui paie le prix le plus bas au monde », a-t-il déclaré sur son compte Truth Social (La Presse, 11 mai 2025). Cette approche dite Most Favored Nation (nation la plus favorisée) imposera à Medicare, le programme d’assurance santé pour les Américains de plus de 65 ans, de lier ses remboursements au tarif international le plus bas, une première dans l’histoire du système de santé américain.
Médicaments et santé publique : le décret Trump, un changement de paradigme ?
L’application du décret ne concernera, dans un premier temps, que certains traitements injectables coûteux, administrés en cabinet ou à l’hôpital. Ces produits incluent notamment les perfusions oncologiques, traitements immunologiques ou injectables spécialisés, sur lesquels les dépenses explosent depuis une décennie. Donald Trump s’en est félicité en des termes pour le moins emphatiques : « Notre pays sera enfin traité équitablement, et les coûts de santé de nos citoyens seront réduits à des niveaux jamais imaginés auparavant », relaye La Presse.
En chiffres, l’ancien président promet une baisse immédiate des prix allant de 30 % à 80 %, évoquant des économies pouvant se chiffrer en "milliards de dollars". Pourtant, aucune modélisation économique crédible ne permet aujourd’hui de valider cette estimation. Ce n’est pas la première fois que Trump joue la carte du coup d’éclat sur ce terrain. En 2020, une initiative similaire avait été invalidée par une cour fédérale, le gouvernement ayant alors « omis des étapes obligatoires dans le processus réglementaire », souligne le New York Times.
Médicaments : l’Europe dans le viseur de l’industrie pharmaceutique
Mais les effets du décret Trump ne se feront pas sentir qu’aux États-Unis. En Europe, l'annonce a résonné comme un coup de semonce. Selon Le Monde, plusieurs laboratoires ont commencé à menacer Bruxelles d’augmentations tarifaires, arguant qu’ils ne peuvent plus maintenir en Europe des prix aussi bas si les États-Unis s’alignent sur ces standards. En clair, le décret américain pourrait devenir l’argument rêvé pour rehausser les tarifs dans l’UE.
Des experts redoutent également des pénuries ciblées, voire des réorientations logistiques depuis le marché européen vers les États-Unis. Selon Le Moniteur des Pharmacies, les conséquences pourraient inclure des ruptures d’approvisionnement en Europe, notamment sur des molécules stratégiques.
L’industrie ne s’en cache pas. Déjà en 2020, elle dénonçait la stratégie Trump comme un levier déloyal : « Cela donnerait aux gouvernements étrangers un avantage sur la valeur des médicaments aux États-Unis », estimait alors un représentant cité par La Presse. Et aujourd’hui, la position reste inchangée : plusieurs grandes firmes pharmaceutiques menacent ouvertement de réduire leurs investissements en recherche si leurs marges sont comprimées par de telles politiques.
Médicaments : pourquoi les Américains paient-ils tant ?
Cette mesure soulève une vieille question : pourquoi les prix des médicaments sont-ils si élevés aux États-Unis ? Contrairement à la France, où l’État fixe les prix des médicaments remboursés via des négociations avec les laboratoires, le marché américain fonctionne selon une logique beaucoup plus dérégulée. Chaque assurance, chaque hôpital, chaque réseau de soins peut négocier ses propres tarifs avec les industriels, souvent dans l’opacité la plus totale.
Ainsi, un flacon de paracétamol vendu à 1,90 euro en pharmacie en France peut atteindre 7 à 10 dollars aux États-Unis. L’ibuprofène, couramment utilisé contre les douleurs et l’inflammation, coûte moins de 3 euros en France, contre 12 à 15 dollars Outre-Atlantique. Pire : pour des traitements spécifiques comme le fliximab (inhibiteur de TNF utilisé contre les maladies inflammatoires chroniques), le coût peut grimper à plus de 4 000 dollars par injection, soit près de 3 700 euros, contre environ 800 euros en France pour le même traitement pris en charge par la Sécurité sociale.
Un décret à portée limitée mais à résonance mondiale
Si l’on en croit les analyses du New York Times, le décret Trump aura un effet immédiat circonscrit à une cinquantaine de médicaments remboursés par Medicare, mais son retentissement est bien plus large. Il cristallise un double enjeu : la régulation des prix dans les pays riches et la relocalisation des intérêts pharmaceutiques. La réponse européenne sera cruciale. Doit-elle céder aux pressions des laboratoires pour réajuster ses propres prix ? Ou au contraire, défendre son modèle de régulation centralisée ?
Trump, fidèle à son style, utilise la question des médicaments comme un outil de stratégie politique interne et externe. Il instrumentalise l’indignation populaire face aux prix exorbitants pour renforcer son image de défenseur du "petit peuple", tout en forçant la main à des alliés économiques. Et tout en supprimant les quelques avancées sociales obtenues par ses prédécesseurs démocrates, notamment Barack Obama et son Obamacare. Ce décret pourrait devenir un précédent. Car en obligeant les laboratoires à faire un choix – le marché américain ou le reste du monde –, Trump redessine, en filigrane, la carte mondiale de l’accès aux traitements.