Dix-neuf nouvelles licornes ont vu le jour depuis janvier, malgré une conjoncture dominée par la prudence et la raréfaction des fonds, indiquait TechCrunch dans son bilan d’avril. La nouvelle, confirmée par des données issues de Crunchbase et PitchBook, a de quoi surprendre. Tandis que les géants de la tech taillent dans leurs effectifs et que les IPO se font attendre, certains émergents franchissent, eux, le cap du milliard. Que révèle cette dynamique apparemment paradoxale ?
Les licornes de 2025 résistent… pour combien de temps encore ?

Les licornes en série, une illusion de santé pour la tech ?
C’est un paradoxe que seuls les marchés financiers savent orchestrer. Alors que les fonds d’investissement serrent les cordons de la bourse, les jeunes pousses les plus agiles s’envolent. En mars, Fleetio (1,5 milliard d’euros), éditeur de logiciels pour la gestion de flottes, levait 424 millions d’euros en Série D. Une valorisation inattendue pour une société fondée en 2012, mais désormais soutenue par des mastodontes comme Goldman Sachs.
Et ce n’est pas un cas isolé. Le mois de mars a vu éclore, entre autres, Celestial AI (2,3 milliards d’euros), dopée par un tour de table de 233 millions d’euros mené par Fidelity, ou encore The Bot Company (1,86 milliard d’euros), une plateforme robotique née en 2024 et propulsée par 140 millions d’euros d’investissements précoces. La tech, dans son versant le plus spéculatif, reste donc capable d’aimanter le capital.
Quand la santé et l’IA dictent les règles du jeu des licornes
Le secteur de la santé domine clairement cette première vague de 2025. À commencer par Abridge (2,6 milliards d’euros), spécialisée en medtech, qui a levé 233 millions d’euros en février. Vient ensuite Hippocratic AI, dont la valorisation de 1,5 milliard d’euros, repose sur des modèles d’agents conversationnels pour patients. Cette startup californienne a levé 130 millions d’euros grâce à Kleiner Perkins.
Dans la catégorie IA, la société Assured, fondée en 2019, s’est hissée au rang de licorne avec seulement 21 millions d’euros levés, preuve que l’intelligence artificielle attire désormais plus que des capitaux : elle inspire des paris financiers sur l'efficacité prédictive.
Une diversité sectorielle trompeuse ?
Les licornes de 2025 en perspective Soda probiotique (Olipop, 1,86 milliard d’euros), logiciels pour PME du BTP (Build Ops, 930 millions d’euros), fantasy gaming (Underdog Fantasy, 1,2 milliard d’euros)… La liste de TechCrunch s’étale sur tous les créneaux imaginables. Mais derrière cette diversité apparente, une réalité plus homogène se dessine. Toutes ces licornes ont un point commun, celui d’avoir su séduire quelques fonds-clés au bon moment.
Parmi les investisseurs récurrents, on retrouve Sequoia Capital, Kleiner Perkins, ou encore PitchBook. Le signal est clair, ce sont moins les idées disruptives que la relation avec certains fonds historiques qui fait encore la différence.
Marché sous tension, licornes sous perfusion
Malgré une contraction persistante du capital-risque, le paysage entrepreneurial voit apparaître chaque mois de nouvelles entreprises valorisées au-delà du milliard d’euros. Ce contraste souligne un paradoxe frappant. Alors que l’écosystème financier reste sous pression, certaines jeunes pousses parviennent à décrocher le statut de licorne, révélant une vitalité sectorielle en trompe-l’œil.
D’après CB Insights, le nombre de licornes mondiales est resté stable, autour de 1 200, mais leur capacité à croître durablement est remise en cause. Nombre de ces jeunes entreprises sont qualifiées de « licornes zombies », selon une analyse de Bloomberg, c’est-à-dire valorisées au-delà de leur capacité réelle de génération de revenus.
Une croissance artificielle ou l’annonce d’un nouveau cycle ?
Ce premier trimestre 2025 marque-t-il un retour des valorisations exubérantes ? Ou s’agit-il simplement d’un artefact comptable, alimenté par la surenchère de quelques fonds en mal de rendement ?
Si l'on en croit les analyses croisées de Reuters et Crunchbase, les grandes tendances du marché ne sont pas inversées. Les IPO se raréfient, les méga levées se concentrent sur une poignée d’élus, et les start-up non rentables doivent démontrer leur utilité dès les premières lignes de code. La multiplication des licornes n'est pas nécessairement un indice de bonne santé. Elle pourrait n’être qu’un mirage dans un désert de liquidités.