Le ciel suisse a vu revenir un jet privé flambant neuf… pour mieux constater son inadéquation. Embarras logistique, investissements colossaux et résonance politique : le vol du jet suisse devient une affaire d’État.
Le jet suisse à 117 millions d’euros : un luxe cloué au sol

Le 16 avril 2025, un Bombardier Global 7500 acquis par le gouvernement suisse a atterri sur le sol national après une semaine d’immobilisation en Turquie. Ce retour n’a pourtant rien d’un succès diplomatique ou logistique : trop imposant pour décoller de la capitale, le jet a été stationné sur une base militaire. Ce nouvel appareil, censé incarner l’efficacité et la modernité, cristallise désormais critiques et interrogations.
Le 16 avril 2025, la Suisse rapatrie son jet de prestige
L’histoire commence par une mésaventure technique digne d’un roman diplomatique. Le Bombardier Global 7500, le nouveau jet privé du gouvernement suisse, livré en février 2025 pour la coquette somme de 117 millions de dollars (environ 109 millions de francs suisses, soit près de 108 millions d’euros), a été immobilisé pendant une semaine à Ankara, en Turquie, à la suite d’une anomalie lors d’un décollage.
Le 16 avril 2025, après inspection complète menée par des techniciens du constructeur, l'appareil a été autorisé à reprendre les airs. Le diagnostic ? « Une brève réduction de l’accélération au décollage », sans cause mécanique avérée. Le vol retour a donc pu être effectué en toute sécurité, d’après l'armée suisse, responsable de l’exploitation de l'appareil.
À Berne, le jet suisse n’a pas trouvé piste à son train
De quoi parle-t-on précisément ? D’un avion trop grand pour l’aéroport de la capitale. Ce fleuron de l’aviation d’affaires est tout simplement incapable de décoller de l’aéroport de Berne-Belp avec une charge normale, en raison d’une piste trop courte pour les exigences techniques du Bombardier Global 7500.
Résultat : l’appareil a dû être stationné à la base militaire de Payerne, à 76 kilomètres de Berne. Et ce n’est pas tout : aucun des hangars de l’aéroport de la capitale ne peut accueillir le géant ailé. Un nouveau bâtiment est donc en construction à Berne, mais sa livraison ne sera pas effective avant deux ans, selon les déclarations de Delphine Schwab-Allemand, porte-parole de l’armée.
Un bijou aérien ou une folie budgétaire ?
Commandé pour remplacer deux avions vieillissants, un Falcon 900EX et un Cessna Citation Excel, le Bombardier Global 7500 n’est pas un avion comme les autres. Il offre une autonomie de 13 000 kilomètres, transporte jusqu’à 19 passagers, et est équipé d’un système de protection antimissile, une première dans l’histoire aéronautique suisse.
Mais l’investissement total ne s’arrête pas à l’achat de l’avion. Formation des équipages, acquisition de pièces détachées, soutien technique, infrastructures au sol : le programme représente plus de 103 millions de francs suisses, selon les estimations de Swissinfo. De quoi interroger sur l’opportunité et la planification d’un tel projet.
Des critiques venues du ciel... et du sol
Cet enchaînement de contretemps, d’anomalies techniques, de problèmes d’infrastructure, et de logistique improvisée a suscité un tollé dans les médias suisses. L’utilisation d’un second appareil, le Falcon 900, pour rapatrier le conseiller fédéral Ignazio Cassis depuis Ankara, a jeté de l’huile sur le feu. Certains parlementaires n'ont pas manqué de pointer l’inadéquation entre les besoins réels de la Confédération et la démesure de l’appareil acquis.
« Il n’a pas encore vraiment volé pour le gouvernement et il est déjà trop cher, trop gros, et trop compliqué à stationner. Qui a validé ça ? » peut-on lire dans les commentaires d’usagers sur les plateformes suisses. Si aucun responsable politique n’a encore assumé publiquement une erreur de planification, le silence des autorités en dit long.
Une affaire qui atterrit en pleine polémique budgétaire
Cette affaire de jet privé met en lumière les tensions entre ambitions logistiques de l’État suisse et réalité de son territoire aérien. Plus encore, elle interroge sur la cohérence budgétaire d’un pays souvent loué pour sa rigueur financière.
Le gouvernement suisse a-t-il vu trop grand ? À l’heure où les dépenses publiques font l’objet d’une surveillance accrue, l’achat d’un appareil plus coûteux que les avions présidentiels de nombreux pays européens, pour finir par le stationner sur une base militaire, fait désordre.