Engie a lancé un projet pilote le 15 septembre 2024 à Étrez, dans l’Ain, le stockage d’hydrogène dans des cavités salines profondes. Ce projet baptisé HyPSTER (Hydrogen Pilot STorage for large Ecosystem Replication) ambitionne de répondre à un défi de taille, comment stocker l’hydrogène renouvelable de manière sûre, flexible et à grande échelle pour soutenir la décarbonation européenne.
Engie expérimente le stockage d’hydrogène dans des cavités salines profondes
Cavités salines : un sous-sol stratégique pour l’hydrogène
À première vue, on pourrait croire à un décor de roman industriel : tuyauteries visibles en surface, tours de déshydratation dressées au milieu des champs. Mais à 800 mètres de profondeur, c’est un laboratoire énergétique d’un nouveau genre qu’Engie développe à Étrez, site stratégique déjà utilisé pour le gaz naturel. Dans ces poches de sel millénaires, trois tonnes d’hydrogène ont été injectées, suivies de cent cycles d’injection et de soutirage. Une simulation grandeur nature pour un gaz dont la légèreté et la volatilité compliquent traditionnellement le stockage.
Mais le résultat est sans appel. « On a fait la démonstration qu’il était possible de stocker de l’hydrogène dans une cavité saline », affirme Mylène Poitou, directrice adjointe des projets industriels chez Storengy, filiale d’Engie dans des propos rapportés par BFMTV. Ce choix géologique n’a rien d’anecdotique. Contrairement aux stockages dans des roches poreuses, les cavités salines assurent une parfaite étanchéité et une réactivité optimale, conditions idéales pour un gaz dont l’usage est appelé à fluctuer selon les pics de consommation.
Un démonstrateur pour une ambition industrielle européenne
HyPSTER ne se contente pas d’un rôle de prototype. Engie veut voir loin. Avec ses 15,5 millions d’euros d’investissement, dont 5 millions de subventions européennes, le groupe veut faire émerger une filière industrielle complète. Le site d’Étrez, qui compte vingt cavités d’exploitation dont certaines peuvent contenir l’équivalent de dix Arc de Triomphe, se pose en vitrine d’un savoir-faire potentiellement exportable à l’échelle continentale.
« Il faut bien comprendre que pour tout ce qui est stockage d'hydrogène, on est au stade des (projets) pilotes en Europe. La cavité saline est ce qui est le plus sûr pour démarrer », souligne Charlotte Roule, vice-présidente hydrogène d’Engie et directrice générale de Storengy, dans des propos partagés par BFMTV. L’Union européenne elle-même a identifié ces infrastructures comme critiques dans sa stratégie énergétique. Objectif : doter l’espace communautaire d’un cadre réglementaire adapté d’ici 2032-2033. « Engie pousse pour avoir une clarification de l’encadrement du stockage d’hydrogène », ajoute Charlotte Roule.
Stocker pour décarboner : vers un usage énergétique stratégique
Derrière ces tests techniques, c’est un enjeu bien plus vaste qui se profile. L’hydrogène ne se limite pas à une alternative fossile. Il est l’allié annoncé de la décarbonation des secteurs les plus difficiles à verdir : sidérurgie, cimenterie, transports lourds. Il doit également soutenir les électrolyseurs, qui produisent l’hydrogène à partir d’électricité renouvelable, mais dont la consommation doit parfois être suspendue en cas de demande forte sur le réseau.
Dans ce contexte, le stockage devient un levier de flexibilité. « Le besoin en stockage d'hydrogène va être extrêmement important à l’horizon 2035. Le stockage sera un vrai outil de flexibilité sur le système énergétique », prévient Charlotte Roule. La différence est de taille, là où le gaz naturel suit un rythme saisonnier (stockage en été, déstockage en hiver), l’hydrogène impose une logique de gestion à la minute près. Réagir à un pic de consommation dans la journée, absorber un surplus solaire à midi pour le restituer le soir : telle est la promesse de cette nouvelle logistique énergétique.