Réchauffement climatique : 1 data center sur 4 menacé

Le cabinet australien XDI (Cross Dependency Initiative) vient de publier un rapport alarmant : un centre de données sur cinq dans le monde est déjà exposé aux événements climatiques extrêmes. Alors que la course à l’infrastructure numérique continue de s’intensifier, les data centers, épines dorsales d’un monde interconnecté, se retrouvent au cœur d’une crise annoncée, trop souvent ignorée.

Anton Kunin
By Anton Kunin Published on 9 juillet 2025 8h09
Suisse Data Center Cybersecurite Donnees Protection
@shutter - © Economie Matin
1.000 milliards d’eurosLe World Economic Forum estimait dès 2023 que les catastrophes naturelles pourraient provoquer des pertes de plus de 1.000 milliards d’euros d’ici 2030 dans les infrastructures critiques.

Des data centers bâtis sur des zones à haut risque climatique

Selon les analyses du cabinet XDI, qui a passé au crible plus de 8.800 centres de données dans le monde, 22% d’entre eux sont déjà confrontés à des menaces climatiques majeures : inondations, incendies, cyclones, vagues de chaleur. Et le constat n’est pas figé. D’ici 2050, ce chiffre pourrait frôler les 25% si les trajectoires actuelles de réchauffement se maintiennent.

Le paradoxe est cruel : alors même que les data centers sont essentiels à la résilience numérique – dans la santé, la finance, la sécurité –, leurs implantations dans des zones vulnérables rendent l’ensemble de notre société numérique dramatiquement dépendante d’infrastructures fragiles.

Quand le cloud prend l’eau : la montée des vulnérabilités systémiques

Le rapport de XDI, intitulé « Gross Domestic Climate Risk », identifie des régions critiques en danger croissant. Les États-Unis, la Chine, l’Inde, mais aussi certains pays européens figurent parmi les pays les plus exposés. XDI utilise une méthode combinant données climatiques, vulnérabilités physiques et importance économique pour mesurer l’exposition au risque à horizon 2050. Le rapport nous apprend par exemple que les data centers situés dans certaines régions côtières de Floride, dans le delta du Yangtsé ou encore autour de la lagune vénitienne risquent des interruptions répétées, voire des fermetures définitives, en raison de phénomènes hydrométéorologiques intensifiés.

Et que dire des incendies ? La Californie, le sud de l’Australie ou encore certaines zones du sud de la France sont pointées du doigt pour leur exposition croissante aux feux de végétation, aux conséquences potentiellement dévastatrices pour des centres de traitement de données à forte densité énergétique.

Une explosion de la demande numérique, un aveuglement stratégique

Le développement exponentiel des data centers se poursuit, sans que les impératifs de résilience climatique ne soient véritablement pris en compte. L’essor de l’intelligence artificielle, du cloud computing, de la 5G et des services numériques a provoqué une explosion des installations : le nombre de centres devrait doubler d’ici la fin de la décennie. Mais bâtir vite, c’est souvent bâtir mal. La plupart des opérateurs privilégient le coût et la connectivité à la sécurité climatique. Le rapport XDI révèle que même des pays dotés de fortes régulations environnementales n’imposent pas encore de normes strictes de résilience climatique pour les infrastructures numériques critiques.

Des milliards stockés sur du sable mouvant : quel coût pour l’économie ?

Le coût économique d’un data center paralysé peut se chiffrer en millions d’euros par heure, sans parler des conséquences systémiques : indisponibilité de plateformes bancaires, interruption de services publics, chaos logistique. Le World Economic Forum estimait dès 2023 que les catastrophes naturelles pourraient provoquer des pertes de plus de 1.000 milliards d’euros d’ici 2030 dans les infrastructures critiques, data centers compris.

Et pourtant, l’inaction domine. Les grandes entreprises du numérique continuent d’installer leurs serveurs dans des zones densément peuplées, souvent proches de côtes ou de nœuds industriels à risque, pour des raisons de connectivité ou de fiscalité.

Résilience climatique : le grand oublié des stratégies numériques

Dans les documents de planification stratégique des grandes firmes numériques comme Meta, Amazon Web Services (AWS) ou Alibaba Cloud, la notion de résilience climatique reste secondaire. Seules quelques initiatives ponctuelles émergent : centres de données flottants en Scandinavie, stockage à faible empreinte thermique en sous-sol, refroidissement par eau dans certaines régions arctiques. Mais ces projets pilotes restent largement marginaux.
Pire : certains nouveaux data centers sont installés dans des pays en développement sans normes strictes de construction ni projections climatiques fiables. Le risque devient global, systémique, exponentiel.

Le numérique face à son talon d’Achille climatique

Il n’y aura pas de transformation numérique durable sans transformation climatique radicale des infrastructures. Le rapport XDI envoie une alerte claire : la continuité numérique mondiale repose sur des bases de plus en plus instables. Il ne s’agit plus seulement d’investir dans l’innovation technologique, mais dans la survie même de cette technologie.
En continuant d’ignorer la dimension climatique dans la construction et la gestion des data centers, les États comme les entreprises courent à la catastrophe. Pas demain. Aujourd’hui.

Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

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