Canicule : les nouvelles règles que les employeurs ne peuvent plus ignorer

Alors que les températures estivales se font toujours plus extrêmes, une batterie de mesures s’apprête à bouleverser les pratiques des entreprises françaises. Ce qui n’était autrefois qu’une vague recommandation devient désormais une obligation légale.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 2 juin 2025 7h30
Si certains employeurs persistent à considérer la canicule comme un désagrément passager, ils feraient bien de relire attentivement le Code du travail cet été.
Si certains employeurs persistent à considérer la canicule comme un désagrément passager, ils feraient bien de relire attentivement le Code du travail cet été. - © Economie Matin
75%La canicule de 2003 avait fait exploser de 75% le nombre de décès.

À compter du 1er juillet 2025, la canicule ne sera plus seulement synonyme d’inconfort thermique : elle déclenchera une flopée d’obligations nouvelles pour toutes les entreprises de France. Un décret inédit, publié le 27 mai 2025, modifie en profondeur les responsabilités patronales face aux fortes chaleurs. Cette réforme majeure, issue du Code du travail, fait suite à la recrudescence des vagues de chaleur et s’inscrit dans un contexte de dérèglement climatique de plus en plus brutal. L’été 2022 avait déjà battu tous les records, mais le législateur, lui, était resté à l’ombre.

Canicule : un tournant réglementaire dans le droit du travail

Jusqu’ici, les fortes chaleurs faisaient l’objet d’un flou réglementaire. Certes, le Code du travail mentionnait déjà, depuis l’article L. 4121-1, l’obligation générale de sécurité de l’employeur. Mais rien ne précisait comment adapter concrètement l’organisation en période de chaleur extrême. L’ancienne jurisprudence se bornait à conseiller des mesures floues et rarement suivies d’effets. En somme, tant que personne ne s’évanouissait sur le chantier, tout allait bien.

Le décret n° 2025-482, signé par les ministres Catherine Vautrin (Travail) et Agnès Pannier-Runacher (Transition écologique), introduit une obligation formelle d’évaluation et d’adaptation du travail face aux épisodes de chaleur, même en dehors des seuils d’alerte météorologique. Selon le texte publié sur Légifrance, « l’organisation du travail doit être adaptée en cas de risque identifié, notamment par l’aménagement des horaires, la suppression temporaire de tâches physiques intenses, et l’instauration de pauses fréquentes. » Et cette fois, le flou artistique a été banni des textes.

Canicule : l'entreprise sommée d'agir, sous peine de sanctions

L'État a haussé le ton. Désormais, toute entreprise devra garantir un accès permanent à au moins trois litres d’eau potable fraîche par jour et par salarié, selon le décret publié au Journal officiel. En l’absence de réseau d’eau courante, c’est à l’employeur de prévoir des alternatives.

Côté équipement, le changement est tout aussi radical : les employeurs sont désormais contraints de fournir des protections adaptées (vêtements respirants, couvre-chefs, lunettes, brumisateurs, systèmes de ventilation) aux postes exposés. Exit les chantiers en plein soleil sans le moindre dispositif, sous prétexte qu’on est “habitué”.

Le texte précise aussi que des catégories vulnérables, telles que les femmes enceintes ou les salariés atteints de pathologies chroniques, doivent faire l’objet d’une vigilance renforcée.

Catherine Vautrin n’a pas mâché ses mots dans La Tribune, déclarant : « En responsabilisant davantage les employeurs et en outillant l’inspection du travail, nous renforçons concrètement la prévention pour protéger les salariés, en particulier les plus exposés ».

Canicule : un été à haut risque, sous surveillance accrue

La dimension climatique n’est pas anodine. Météo France confirme que l’été 2022 a été le plus chaud jamais enregistré, et les projections pour 2025 annoncent une fréquence encore plus élevée des vagues de chaleur. Face à cette évolution, l’inspection du travail voit ses pouvoirs renforcés : en cas d’absence de plan d’action, elle pourra désormais mettre l’entreprise en demeure, voire ordonner l’arrêt des travaux.

Selon Actu Orange, « 1.500 contrôles avaient été menés en 2024, mais les sanctions étaient rares faute de cadre juridique précis. Cette fois, les inspecteurs disposeront de leviers concrets pour agir ». À noter que ces nouvelles règles s'appliquent à tous les employeurs et concernent aussi bien le secteur du bâtiment que celui de l'agriculture, de la logistique ou de l'industrie lourde.

Fortes chaleurs : les obligations s’étendent aux indépendants et maîtres d’ouvrage

Autre évolution majeure, et non des moindres : les obligations ne concernent pas seulement les entreprises classiques. Le décret étend son champ d’application aux travailleurs indépendants, employeurs en nom propre et maîtres d’ouvrage intervenant directement sur site. Cela signifie que les auto-entrepreneurs, sous-traitants et donneurs d’ordres ne pourront plus se cacher derrière la complexité des chaînes de sous-traitance pour échapper à leurs responsabilités. Le décret du 27 mai 2025 stipule explicitement que tout acteur présent sur un site à risque doit se conformer aux mesures prévues, sans exception.

Le ministère du Travail insiste, dans sa note de prévention mise à jour, sur la nécessité pour chaque entreprise de mettre à jour son DUERP (document unique d’évaluation des risques professionnels). Ce document doit désormais intégrer une évaluation spécifique des risques liés à la chaleur, avec les moyens de prévention envisagés. Par ailleurs, une campagne nationale de sensibilisation multilingue est annoncée pour l'été 2025, avec l’objectif de toucher également les travailleurs détachés et les populations les plus précaires.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

No comment on «Canicule : les nouvelles règles que les employeurs ne peuvent plus ignorer»

Leave a comment

* Required fields