Le 20 juin 2025, BNP Paribas a été assignée en justice devant le tribunal judiciaire de Paris. En cause : un présumé manquement à son devoir de vigilance, dans un contexte explosif lié à ses liens financiers avec l’État d’Israël. Cette procédure, portée par l’association Juristes pour le respect du droit international (Jurdi), fait écho à une nouvelle stratégie juridique qui cible non plus les seuls auteurs de violations, mais aussi ceux qui, par inaction ou compromission économique, pourraient indirectement y contribuer.
BNP Paribas accusée de financer la guerre d’Israël à Gaza
BNP Paribas face à la loi française sur le devoir de vigilance et ses liens avec Israël
Adoptée en mars 2017, la loi française sur le devoir de vigilance impose aux entreprises de plus de 5.000 salariés en France ou 10.000 dans le monde d’élaborer un plan annuel. Ce document doit identifier les risques d’atteintes graves aux droits humains, à la santé, à la sécurité des personnes ou à l’environnement, liés à l’activité de la société, de ses filiales, fournisseurs ou sous-traitants.
L’assignation contre BNP Paribas repose sur une critique cinglante de son plan de vigilance 2024, jugé lacunaire, voire trompeur. « Or, loin de respecter ces obligations, BNP Paribas, dans son plan de vigilance 2024, n’a pas daigné mentionner l’existence même de ses activités au soutien de l’État d’Israël ou d’entreprises armant l’État d’Israël », dénonce l’Association des Juristes pour le Respect du Droit International (Jurdi).
L’une des principales critiques concerne une opération massive : une souscription obligataire de 8 milliards de dollars au bénéfice de l'État israélien, garantie par BNP Paribas, restée absente du plan de vigilance. À cela s’ajoute un soutien financier à Elbit Systems, fournisseur majeur de l’armée israélienne, ainsi qu’à Delek Group, actif dans la fourniture de pétrole aux colonies israéliennes en territoire occupé, et à plusieurs banques israéliennes impliquées dans le financement d’infrastructures en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
BNP Paribas, acteur neutre ou complice silencieux ?
La banque, contactée par plusieurs médias, rejette catégoriquement toute responsabilité. Dans une déclaration transmise aux médias le 28 juin 2025, elle affirme : « BNP Paribas n’est en aucune manière impliqué dans les terribles conflits au Moyen-Orient et réfute toute action qui tenterait d’établir un lien entre ses activités et la situation dramatique dans cette région ».
Un argument que ne partage pas Ghislain Poissonnier, vice-président de Jurdi et co-assignataire en tant que petit actionnaire de BNP Paribas. Selon lui, « ces activités sont en effet susceptibles d’être à l’origine de violations des droits humains de la population palestinienne, que ce soit dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est ».
Le contentieux s’ouvre donc sur un terrain glissant où se mêlent droit civil, éthique économique et politique étrangère. Et l’affaire ne sera pas traitée au pénal, mais dans le cadre d’une procédure civile, avec une audience de mise en état déjà programmée. Le jugement pourrait intervenir dans un délai estimé à deux ans.
Une assignation symptomatique d’un tournant stratégique dans la lutte juridique internationale
Le choix de s’en prendre à une institution bancaire via le levier du devoir de vigilance marque une évolution notable dans le combat juridique contre les violations présumées du droit international humanitaire.
Jusqu’ici, la majorité des actions judiciaires visaient directement des responsables politiques ou militaires. Ici, la cible est une institution financière. Un changement d’angle stratégique clairement revendiqué par les auteurs de l’assignation. Me Joseph Breham et Me Matilda Ferey, avocats du cabinet Ancile, expliquent dans le texte remis au juge que « les activités de BNP Paribas menées envers [Israël] ou certaines entreprises clientes du groupe se sont poursuivies malgré ces alertes et se déclinent au moins sous quatre formes ». Une manière pour les juristes d’alerter, à défaut de pouvoir faire changer les choses.
La France elle-même ciblée dans un autre recours
Parallèlement à l’assignation de BNP Paribas, l’association Jurdi a également déposé un recours préalable contre l’État français, le 23 juin 2025, l’accusant de manquement à ses obligations issues de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Ce recours met en lumière un contexte dans lequel la société civile cherche à combler les lacunes institutionnelles par des actions judiciaires ciblées, contre l’inaction de l’État comme contre les acteurs économiques privés. Le choix d’un petit actionnaire comme co-demandeur vise à renforcer la recevabilité de la procédure devant le tribunal civil.