Bill Gates a pris tout le monde de court lors d’un discours retentissant prononcé à Addis-Abeba, au siège de l’Union africaine, le 3 juin 2025. Le fondateur de Microsoft a annoncé que « la quasi-totalité » de sa fortune, estimée à environ 200 milliards de dollars (environ 185 milliards d’euros), serait intégralement consacrée, au cours des deux prochaines décennies, à financer des projets de santé et d’éducation en Afrique. À l’horizon 2045, la Fondation Bill et Melinda Gates cessera même d’exister.
Bill Gates : 200 milliards pour l’Afrique, zéro pour l’héritage

Bill Gates redessine la carte de la philanthropie en léguant l’essentiel de sa fortune à l’Afrique
Peut-on vraiment redistribuer une fortune de cette ampleur sans arrière-pensée ? Bill Gates a tranché la question : « Que vais-je faire ? Acheter des bateaux ou autre chose ? Jouer ? Cet argent devrait être reversé à la société de la manière la plus susceptible de produire des effets positifs ». Il ne s’agit pas d’un effet d’annonce : la mécanique est déjà enclenchée. D’ici au 31 décembre 2045, l’intégralité du fonds sera déployée sur le terrain. Plus de 12.000 personnes ont assisté ou suivi en direct son allocution, preuve que le message est pris au sérieux.
La Fondation Gates prévoit de prioriser des investissements stratégiques en soins de santé primaires, en nutrition infantile et en éducation. Le Nigeria, l’Éthiopie, le Rwanda, le Zimbabwe, la Zambie et le Mozambique sont en tête de liste. L’objectif affiché ? Accompagner les gouvernements africains « qui placent la santé et le bien-être de leurs citoyens en tête de leurs priorités ».
Bill Gates et l’intelligence africaine : une affaire de conviction, pas de charité
Bill Gates n’en est pas à son premier geste philanthropique, mais jamais il n’avait aussi clairement ciblé une région du globe. « En libérant le potentiel humain par la santé et l’éducation, chaque pays d’Afrique devrait être sur la voie de la prospérité — et cette voie est une chose passionnante à laquelle participer », a-t-il déclaré. Pas question ici d’assistance passive, mais d’un partenariat basé sur l’excellence locale. L’intelligence artificielle n’est pas laissée de côté : Bill Gates a cité en exemple le Rwanda, où des échographies assistées par IA permettent de repérer les grossesses à haut risque et d’orienter les femmes vers des soins d’urgence.
Le Dr Paulin Basinga, directeur Afrique de la Fondation Gates, a souligné que cette stratégie sera menée avec les institutions africaines. Il ne s’agit pas de parachuter des fonds, mais de soutenir ce qui fonctionne déjà, de façonner des écosystèmes résilients, et surtout de renforcer des États qui investissent dans leurs citoyens. Autrement dit, pas de philanthropie néocoloniale, mais un investissement dans des partenariats bilatéraux.
Une redistribution motivée par un constat amer : le désengagement occidental
Le timing de cette annonce ne doit rien au hasard. L’aide américaine via USAID s’est effondrée depuis les coupes budgétaires imposées par l’administration Trump, forçant nombre de gouvernements africains à revoir leurs ambitions sanitaires et éducatives à la baisse. Bill Gates comble ici un vide stratégique. « Les gens diront beaucoup de choses sur moi quand je mourrai, mais je suis déterminé à ce que « il est mort riche » ne soit pas l’une d’entre elles », a-t-il affirmé, citant Andrew Carnegie : « L'homme qui meurt ainsi riche meurt déshonoré ».
Dans cette redistribution massive, il ne s’agit donc pas seulement d’altruisme, mais aussi d’une critique implicite d’un système international défaillant. Graça Machel, figure morale du continent, a salué l’initiative en rappelant qu’elle intervient dans un « moment de crise » où les financements disparaissent mais où les besoins explosent.
2045 : la fin de la Fondation Gates… et après ?
Le choix de fermer la Fondation Gates en 2045 est aussi radical qu’inattendu. Cette échéance fixe une urgence : faire en vingt ans ce que d’autres tentent depuis un siècle. L’argument de Bill Gates ? Mieux vaut investir massivement, dans un laps de temps délimité, plutôt que de diluer les efforts sur plusieurs générations.
Certains y verront un baroud d’honneur, d’autres une stratégie à haut rendement humanitaire. Quoi qu’il en soit, l’ampleur des moyens mis en œuvre, combinée à la rigueur méthodologique de la Fondation Gates, transforme cet acte en défi structurel pour les élites africaines.
Legs de Bill Gates : est-ce beaucoup ?
L’engagement de Bill Gates, qui s’élève à 200 milliards de dollars sur 20 ans, représente une moyenne annuelle de 10 milliards de dollars. À titre de comparaison, en 2023, l’aide publique au développement (APD) française s’élevait à 13,9 milliards d’euros (environ 15 milliards de dollars), tandis que l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) gérait un budget de plus de 40 milliards de dollars. Cependant, ces montants sont répartis à l’échelle mondiale, alors que l’engagement de Gates est spécifiquement destiné au continent africain.
De plus, l’APD française a connu une baisse significative, avec une réduction de 2 milliards d’euros prévue pour 2025, soit une diminution de 3% par rapport à 2024. Aux États-Unis, des coupes budgétaires drastiques ont également été annoncées, touchant l’aide au développement, notamment au bénéfice de l'Afrique. Dans ce contexte de désengagement des principaux bailleurs traditionnels, l’initiative de Bill Gates apparaît comme une réponse privée majeure pour soutenir le développement en Afrique.