La Belgique renonce officiellement à sortir du nucléaire

Le Parlement belge a adopté, le 15 mai, une proposition de loi abolissant la sortie programmée du nucléaire. Inscrite dans un texte de 2003, cette échéance fixait l’arrêt des réacteurs pour 2025. Le nouveau texte, soutenu par une majorité écrasante, efface toute mention de cette sortie et ouvre la porte à la prolongation, voire à la construction de nouveaux réacteurs. Une manœuvre à la fois stratégique, politique… et hautement polémique.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 16 mai 2025 16h00
La Belgique renonce officiellement à sortir du nucléaire
La centrale nucléaire de Doel, près d’Anvers, en Belgique, @Shutterstock - © Economie Matin

Nucléaire : en Belgique, le pragmatisme l’emporte

Le projet de loi baptisé sobrement « diverses dispositions en matière d’énergie nucléaire » a été adopté à la Chambre des représentants par 102 voix pour, 8 contre et 31 abstentions. Ce vote supprime purement et simplement la référence à une sortie de l’atome en 2025, et lève l’interdiction qui frappait la création de nouvelles centrales.

Un basculement clair assumé par le ministre belge de l’énergie, Mathieu Bihet, pour qui cette réforme « tourne la page de deux décennies de blocages et d’hésitations pour ouvrir la voie à un modèle énergétique réaliste et résilient », peu-on lire dans Le Monde. La Belgique ne veut plus se tirer une balle dans le pied énergétique.

Retour sur une décennie d'ambiguïtés nucléaires

Votée en 2003 sous la pression des Verts alors fraîchement intégrés dans une coalition fédérale, la loi de sortie du nucléaire incarnait une victoire idéologique. Elle prévoyait la fermeture des sept réacteurs belges à l’horizon 2025, répartis entre les centrales de Doel (Flandre) et Tihange (Wallonie). Mais la belle mécanique s’enraye rapidement. À peine les écologistes évincés de la majorité, les gouvernements suivants s'empressent de suspendre l'application de la loi, usant des clauses de sauvegarde en cas de risque pour l’approvisionnement.

Dès lors, le texte devient une coquille vide, survivant plus par inertie législative que par volonté politique. L’accident de Fukushima en 2011 ravive temporairement l’hostilité à l’atome, mais c’est la guerre en Ukraine, et la panique énergétique qui s’ensuit, qui change la donne. Les menaces russes sur le gaz, les factures qui s’envolent, les blackout évités de peu, tout cela remet le nucléaire au cœur du débat. Et pour certains partis, comme les conservateurs flamands, ce n’est pas qu’une solution temporaire, c’est une priorité stratégique.

La Belgique dans le sillage des reconversions européennes

Ce virage bruxellois n’est pas un cas isolé. Italie, Pays-Bas, Suède, plusieurs États européens ont récemment ravivé leurs ambitions atomiques. Dans ce contexte, la Belgique ne fait que suivre un mouvement continental qui oppose réalisme énergétique et engagements climatiques.

Le gouvernement fédéral a déjà conclu un accord avec Engie en 2023 pour prolonger de dix ans deux des réacteurs belges. Désormais, la porte est grande ouverte à d’autres extensions et à l’exploration des petits réacteurs modulaires (SMR), présentés comme plus sûrs, plus flexibles, plus verts… et surtout plus vendables politiquement.

Un clivage politique et idéologique toujours vivace

Si la majorité a soutenu le texte, l’unanimité est loin d’être acquise. Les partis écologistes, en rupture totale avec cette vision, dénoncent une trahison des engagements de transition énergétique. Ecolo et Groen se sont opposés frontalement à la loi, tandis que le PS et le PTB ont choisi de s’abstenir, refusant d’endosser un virage aussi brutal sans garanties sur la sécurité, le coût et la gestion des déchets. Le scepticisme est aussi technique. Qui va financer la relance nucléaire ? Quels seront les coûts pour les ménages ? Quel sort pour les déchets ? Pour l’instant, les réponses sont encore floues. Et les craintes sociétales, elles, bien réelles.

Le ministre Mathieu Bihet affirme que la Belgique compte « relancer une filière innovante », avec pour objectif de renforcer son indépendance énergétique et de contribuer à la décarbonation. Mais entre les ambitions affichées et les capacités industrielles actuelles, le fossé reste grand. Les infrastructures existantes sont vieillissantes, parmi les plus anciennes d’Europe, les investissements dans la recherche insuffisants, et la formation d’une nouvelle génération d’ingénieurs du nucléaire n’en est qu’à ses balbutiements, la fermeture progressive du secteur ayant freiné le renouvellement des compétences.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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