Barrages hydroélectriques : les députés veulent éviter l’ouverture à la concurrence

Une coalition de députés de tous bords a présenté, ce 13 mai à l’Assemblée nationale, un rapport sur l’avenir du parc hydroélectrique français. Point de départ, remettre en cause les concessions historiques encadrant la gestion des barrages pour les faire basculer vers un régime d’autorisation. Et ce afin de préserver la souveraineté énergétique française tout en contenant la pression réglementaire de Bruxelles.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 14 mai 2025 13h30
Barrages hydroélectriques : les députés veulent éviter l’ouverture à la concurrence
Barrages hydroélectriques : les députés veulent éviter l’ouverture à la concurrence - © Economie Matin

La gestion des barrages en sursis

Aujourd’hui, la France exploite le deuxième parc hydraulique d’Europe, avec une capacité de 26 gigawatts, soit 17 % de la production nationale d’électricité, contre 61 GW pour le nucléaire. Mais derrière cette puissance se cache un système dérivant depuis vingt ans, verrouillé par un cadre de concession arrivé à bout de souffle.

Attribuées à EDF, à la Compagnie nationale du Rhône (CNR) ou à la Société hydro-électrique du Midi (Engie), ces concessions, souvent prévues pour soixante-quinze ans, ont pour certaines expiré sans être renouvelées. Résultat, 61 ouvrages sont aujourd’hui hors des clous juridiques, freinant toute perspective de modernisation. La députée Marie-Noëlle Battistel, rapporteure PS du rapport, résume sans détour dans des propos rapportés par Les Echos : « Nous sommes totalement unanimes pour dire que la mise en concurrence n’est pas la solution et la France ne choisira pas cette option ».

Le régime d’autorisation en embuscade

Pour sortir de l’impasse sans céder aux injonctions bruxelloises, les parlementaires proposent un changement structurel : abandonner les concessions au profit d’autorisations, c’est-à-dire de contrats à long terme entre l’État et les exploitants. Cette mutation, loin d’être anodine, ouvrirait la voie à une forme de propriété partagée des infrastructures et donnerait une visibilité aux opérateurs, incitant à l’investissement.

Marie-Noëlle Battistel le concède : « Ce régime n’est pas parfait mais c’est la solution la plus robuste ». Mais la manoeuvre reste délicate. Si elle recueille un large assentiment parmi les acteurs auditionnés, cette solution emporte avec elle un risque lourd, celui de voir émerger des formes rampantes de privatisation. Le rapport pointe les enjeux de « la sécurité des populations », de « la gestion de la ressource en eau » et de « *l’exécution du service public de l’électricité », autant de missions que des acteurs privés pourraient difficilement garantir sans garde-fous.

Bruxelles, l’ombre portée d’un modèle contesté

En toile de fond, l’affrontement avec la Commission européenne reste entier. Depuis les procédures ouvertes en 2015 et 2019 pour non-respect de la directive "concessions" de 2014, la France s’enlise. Et si la bascule vers l’autorisation est censée calmer Bruxelles, elle suppose aussi d’accorder des contreparties substantielles. C’est le prix à payer pour éviter une nouvelle gifle juridique. Les députés l’assument, une partie de la production hydraulique pourrait être rétrocédée à des tiers. Mais attention aux faux remèdes.

Le spectre d’un "Arenh hydro", calqué sur l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique, est clairement rejeté. Ce régime, instauré en 2010, est aujourd’hui critiqué pour son asymétrie : « Les travers de l’Arenh, au premier rang desquels son fonctionnement asymétrique, sans aucune prise de risque des bénéficiaires, [...] ne doivent pas être reproduits », martèle le rapport. À la place, les auteurs prônent un système plus souple, avec des « droits de tirage » ou un "barrage virtuel", ajustable selon les besoins des clients. De quoi contourner un marché ultralibéral, sans en reprendre la logique.

Barrages : jusqu’où ira le gouvernement ?

L’exécutif, de son côté, semble prêt à embrasser ce virage. L’entourage du Premier ministre juge les pistes du rapport « très prometteuses ». Le gouvernement pourrait même soutenir une proposition de loi inspirée du rapport, promise « au plus vite ».

De son côté, EDF fait monter la pression. Son nouveau PDG Bernard Fontana a affirmé fin avril devant les parlementaires que la sortie du blocage permettrait d’augmenter de 20 % la puissance hydraulique installée en France, soit 4 gigawatts supplémentaires. Parmi les leviers prioritaires évoqués : la multiplication des STEP (stations de transfert d’énergie par pompage), indispensables à la gestion des pics de production renouvelable.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

1 comment on «Barrages hydroélectriques : les députés veulent éviter l’ouverture à la concurrence»

  • Auguste

    Bonjour ,
    je suis un peu naïf , mais si j’ai bien compris nous voulons faire gérer nos biens, nos barrages et notre eau par des étrangers… ? Ils nous taxerons comme ils le voudront et nous délivrerons l’électricité et l’eau comme cela leur conviendra .
    Je n’arrive pas à comprendre. Cela risque d’être pire que nos autoroutes que nous avons payé de nos deniers et que nous payons encore pour les utiliser .
    On nous dit restons français !
    J’en viens à me dire, assez bêtement peut-être, que nous allons avoir un jour quelqu’un à la porte de notre maison et qu’il faudra payer pour pouvoir rentrer dedans .
    il serait temps de pouvoir mettre au gouvernement des gens qui ont des notions de commerce, de gestion réelle, et surtout qui ne vendent pas nos technologies et nos biens à l’étranger.
    Ceci dit en tant que novice je vais essayer de comprendre .

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