La croissance cale, la Banque de France veut taxer les riches

Les signaux passent au rouge. Dans un climat économique asphyxié, la Banque de France revoit ses prévisions à la baisse pour le pays en 2025 et appelle à des efforts partagés, ciblant ouvertement les plus fortunés. En gros, François Villeroy de Galhau semble intéressé par l’idée de taxer les riches…

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Last modified on 12 juin 2025 8h15
Banque de France piratage fuite de données
La croissance cale, la Banque de France veut taxer les riches - © Economie Matin
1,2%A l'automne 2024, la Banque de France espérait une croissance de 1,2% pour 2025.

Le 11 juin 2025, la Banque de France a annoncé une nouvelle révision de ses prévisions de croissance pour l’année. À contre-courant des espoirs de reprise, l'institution monétaire table désormais sur une hausse du PIB limitée à +0,6 %, une estimation qui s’aligne sur les scénarios les plus pessimistes. Cette annonce intervient alors que le gouverneur François Villeroy de Galhau durcit le ton, réclamant une contribution accrue des ménages les plus aisés pour juguler une dette publique hors de contrôle.

Croissance 2025 : une prévision sabrée une nouvelle fois, la France frôle la croissance nulle

Dans sa note de conjoncture publiée début juin, la Banque de France a livré une perspective particulièrement sombre : la croissance de la France ne devrait pas excéder 0,6 % en 2025, contre une prévision de 0,7 % en mars, 0,9 % en décembre 2024, et 1,2 % à l'automne dernier. La dégradation est continue, structurelle. Olivier Garnier, directeur général des statistiques à la Banque de France, le reconnaît dans Libération : « C’est une croissance au ralenti, mais sans récession ».

La France n’est pas seule dans cette situation, mais elle apparaît singulièrement vulnérable. L'économie reste empêtrée dans une demande intérieure stagnante, une consommation des ménages freinée (+0,7 % en 2025), un investissement privé en berne, et des exportations qui reculent face aux tensions géopolitiques croissantes.

L’épée de Damoclès de la croissance en France est… Donald Trump !

Les hypothèses retenues par la Banque de France reposent sur un scénario dit "central", à condition que les tensions commerciales avec les États-Unis n’empirent pas. Mais en cas d’escalade douanière, notamment depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, la France pourrait perdre jusqu’à 0,3 point de PIB par an, selon les projections internes. Dans le pire des cas envisagé, la croissance tomberait à 0,3 % dès 2025. Autant dire quasiment rien.

Ce qui était un simple fléchissement devient une spirale de révisions à la baisse, illustrant un modèle économique en perte de souffle. Malgré des taux d’intérêt en plateau, la production industrielle ralentit, les carnets de commande se dégarnissent, et l’emploi peine à se maintenir au niveau des trimestres précédents.

La dette de la France devient de plus un plus un mur

C’est dans ce contexte alarmant que François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, s’est exprimé dans des termes inhabituels : « Nous ne pouvons plus continuer à marcher en somnambules vers le mur de la dette », a-t-il déclaré dans Les Échos le 11 juin 2025.

L’institution s’inquiète d’un glissement du déficit public à 5,4 % du PIB en 2025, avec un endettement qui pourrait dépasser 120 % du PIB en 2027, si rien n’est fait. « La charge des intérêts dépassera les 100 milliards d’euros en 2030 », prévient Villeroy de Galhau. Ce poids budgétaire colossal fragilise déjà la capacité de l’État à investir, à redistribuer et à protéger.

François Villeroy de Galhau veut taxer les riches

Le gouverneur n’a plus l’ambiguïté habituelle des responsables monétaires. Il appelle à un effort collectif, mais hiérarchisé : « L’effort doit être partagé et juste, et donc concerner tous, à commencer par les plus favorisés ». Un ton qui tranche avec la prudence historique de l'institution, qui jusque-là s’était tenue à distance des propositions fiscales. Mais un véritable problème lorsque le ministère de l’Economie est au mains de personnes dont la fortune dépasse la dizaine de millions d’euros. Vont-ils augmenter leurs propres impôts ?

Le message est d’autant plus clair que Villeroy s’appuie indirectement sur les travaux d’économistes influents. Dans une tribune publiée dans Le Monde, Olivier Blanchard, Jean Pisani-Ferry et Gabriel Zucman ont plaidé pour la création d’une contribution exceptionnelle sur le patrimoine net supérieur à deux millions d’euros. L’objectif : imposer un taux minimum effectif à ceux qui échappent largement à la fiscalité réelle. « C’est une solution plus efficace que de hausser encore la fiscalité générale », écrivent-ils dans Les Échos.

Le gouvernement va devoir composer avec une croissance atone (et inattendue)

Du côté de l’exécutif, le discours reste flou. Pour 2026, Bercy vise un déficit ramené à 4,6 % du PIB, mais sans préciser encore quelles mesures précises seront mises en œuvre. La stratégie officielle repose encore essentiellement sur la réduction des dépenses, au prix d’un gel de certaines prestations sociales et d’investissements publics.

Mais les recettes sont elles aussi en chute : la croissance plus faible entraîne mécaniquement un manque à gagner fiscal, qui réduit les marges de manœuvre budgétaire à peau de chagrin. Dans une note interne évoquée par Le Parisien, les services du ministère de l'Économie estiment que chaque dixième de croissance en moins représente 1,2 milliard d’euros perdus dans les caisses publiques.

Si les scénarios de reprise ne se matérialisent pas, la France pourrait glisser lentement mais sûrement vers une austérité structurelle, non déclarée mais bien réelle. Les hausses d’impôts ciblées sur les plus riches deviendraient alors moins un choix politique qu’un impératif technique, pour éviter un décrochage de la note souveraine, une hausse des taux, et une spirale de dégradation budgétaire.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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