Apnée du sommeil : elle empire avec le climat… et son coût explose

Et si l’un des facteurs les plus silencieux de la crise économique du XXIe siècle se logeait dans notre sommeil ? L’apnée obstructive du sommeil, déjà classée parmi les troubles respiratoires les plus fréquents, explose sous l’effet des nuits de plus en plus chaudes. Et avec elle, un coût économique abyssal, que les projections mondiales commencent à peine à estimer.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 18 juin 2025 9h08
apnée du sommeil
Faites-vous de l'apnée du sommeil ? - © Economie Matin
45% Les nuits plus chaudes augmentent la probabilité d’un épisode d’apnée de 45 % chez une personne donnée

98 milliards de dollars : une addition climatique et médicale

Selon l’étude publiée le 16 juin 2025 par l’université Flinders, relayée par Medical Xpress, les conséquences économiques du SAOS (syndrome d’apnée obstructive du sommeil) s’élèvent déjà à 98 milliards de dollars dans les seuls pays de l’OCDE. Ce chiffre englobe à la fois les coûts médicaux directs, les pertes de productivité, les arrêts de travail, et les dommages collatéraux liés aux maladies aggravées par l’apnée (cardiopathies, AVC, diabète, etc.).

Le détail est glaçant : 68 milliards de dollars sont imputables à la perte de bien-être, tandis que 30 milliards relèvent de pertes économiques pures (absentéisme, baisse d’efficacité professionnelle, accidents).

Et le plus inquiétant réside dans la dynamique : selon les chercheurs, ce coût pourrait doubler d’ici 2100 si le réchauffement climatique dépasse les 2 °C. Une projection confirmée dans The Independent, citant des données de modélisation climatique appliquées aux effets sanitaires.

Réchauffement climatique : accélérateur de dépenses invisibles

Le lien entre climat et apnée du sommeil est désormais solidement établi. Dans une étude relayée par Les Dernières Nouvelles d’Alsace, le professeur Danny Eckert précise : « Les nuits plus chaudes augmentent la probabilité d’un épisode d’apnée de 45 % chez une personne donnée ». En d’autres termes, les vagues de chaleur nocturne font exploser le nombre de cas, augmentant les besoins en dépistage, en appareillage (PPC), en consultations spécialisées et en hospitalisations liées aux comorbidités.

Ces nouveaux patients, souvent non diagnostiqués faute de structures adaptées, deviennent des « coûts cachés » pour les systèmes de santé. L’étude publiée dans Nature Communications estime que 800 000 années de vie en bonne santé ont été perdues à cause du SAOS en 2023 dans les 29 pays étudiés.

Un impact direct sur la productivité et les assurances sociales

Fatigue chronique, troubles cognitifs, baisse de vigilance : l’apnée du sommeil affecte directement les performances professionnelles. Elle multiplie les risques d’erreurs, d’accidents de la route ou du travail, et d’arrêts maladie de longue durée. Dans un monde post-Covid déjà confronté à une crise de productivité, l’aggravation du SAOS représente une menace directe pour la compétitivité des entreprises.

Les assureurs et caisses de sécurité sociale s’inquiètent aussi : le traitement du SAOS devient un fardeau financier, souvent mal remboursé ou mal codifié dans les systèmes de santé. Le modèle économique actuel n’est pas conçu pour absorber une telle vague de pathologies chroniques aggravées par des facteurs climatiques.

Vers une double facture : sanitaire et climatique

L’inaction climatique coûte cher. Très cher. Et l’apnée du sommeil en devient un révélateur inquiétant. Car pour chaque degré gagné, c’est non seulement la planète qui s’épuise, mais aussi les budgets publics et privés qui s’effondrent sous le poids de pathologies évitables. Les chiffres cités par EurekAlert! dans le communiqué de l’université Flinders sont limpides : sans adaptation, le fardeau économique du SAOS pourrait devenir l’un des plus lourds du siècle, devant certaines maladies infectieuses.

La question est désormais politique : allons-nous investir dans la prévention et l’adaptation, ou subir passivement un effondrement progressif des équilibres budgétaires ? Le Pr Eckert, interrogé dans ATS le 18 mai 2025, souligne que le coût d’un dépistage précoce et d’un appareillage adapté est bien inférieur à celui d’une hospitalisation post-AVC ou d’une perte de capacité professionnelle.

Face à ce constat, une série de mesures devient urgente : création de centres de dépistage climatique, remboursement total des dispositifs nocturnes, suivi longitudinal des patients exposés à des nuits chaudes, et intégration des paramètres environnementaux dans les politiques de santé économique.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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