L’Allemagne veut faire entrer son armée dans une nouvelle ère

En moins de deux ans, l’Allemagne a bouleversé ses priorités stratégiques. Le pays entend désormais bâtir la plus puissante armée conventionnelle d’Europe. Mais cet objectif suppose un bouleversement total de l’industrie militaire et des règles qui l’encadrent.

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By Adélaïde Motte Published on 15 juillet 2025 15h28
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L’Allemagne veut faire entrer son armée dans une nouvelle ère - © Economie Matin

Le 15 juillet 2025, Boris Pistorius, ministre allemand de la Défense, a confirmé l’ambition du gouvernement fédéral : faire de l’Allemagne une puissance militaire de premier rang. Cette déclaration s’inscrit dans une trajectoire entamée dès 2022, mais qui connaît un net tournant depuis le sommet de l’OTAN de juin 2025. L'objectif annoncé est clair : porter l’effort de défense à 162 milliards d’euros par an d’ici 2029, soit une hausse de 70 % par rapport à 2024. Cette stratégie de réarmement rapide s’appuie sur un socle industriel, législatif et diplomatique en pleine mutation.

Industrie et armée : triple enjeu industriel, budgétaire et géostratégique

Sous l’impulsion de Boris Pistorius, le ministère fédéral de la Défense a mis en place une feuille de route ambitieuse. Celle-ci repose sur trois piliers : moderniser les équipements de la Bundeswehr, garantir une autonomie industrielle stratégique et renforcer la résilience du pays face à une menace extérieure. L'industrie allemande de l'armement, historiquement concentrée autour d’acteurs comme Rheinmetall, MTU Aero Engines ou Renk, est aujourd’hui au cœur de cette transformation.

Le ministre a déclaré dans le Financial Times : « Il n’y a plus de raison de se plaindre. L’industrie sait parfaitement qu’il lui incombe désormais d’obtenir des résultats » . Les priorités fixées concernent notamment la production de drones, de munitions et de blindés. L’objectif est de permettre à l’Allemagne de constituer « l’armée conventionnelle la plus puissante d’Europe ».

Allemagne face à la Russie : du discours à la confrontation

Interrogé par le Financial Times sur la possibilité d’un affrontement avec la Russie, Boris Pistorius n’a pas éludé la question : « Si la dissuasion ne fonctionne pas et que la Russie attaque, est-ce que cela va se produire ? Oui », a-t-il affirmé sans détour. Ce positionnement offensif est adossé à un engagement ferme de l’Allemagne dans l’OTAN et à une politique de dissuasion renforcée, notamment à travers le déploiement de troupes à Vilnius et le soutien logistique à l’Ukraine.

Le soutien militaire à Kiev reste en effet une priorité. Berlin a déjà cédé trois de ses douze systèmes de défense aérienne Patriot. « L’Allemagne ne dispose actuellement que de six systèmes Patriot opérationnels », a précisé Boris Pistorius, en raison des prêts accordés à la Pologne et des besoins de maintenance.

Résultats pour l’industrie allemande : investissements, usines, équipement

L’impact économique est déjà tangible. Le conglomérat Rheinmetall a vu son action multipliée par 12 depuis le début de la guerre en Ukraine. La part militaire de MTU Aero Engines est en nette progression et 27 % du chiffre d’affaires de Renk provient désormais des ventes à la Bundeswehr. L'industrie allemande de la défense mise également sur des partenariats avec des firmes étrangères : Lockheed Martin (États-Unis), Anduril (start-up américaine spécialisée dans les systèmes autonomes), ou encore Iceye (Finlande).

Pour accélérer cette dynamique, le gouvernement a réformé les règles d’acquisition : contrats pluriannuels avec engagements fermes, paiements anticipés, procédures d’achat allégées. « Nous devons être plus rapides. Nous devons être plus efficaces. Nous devons nous débarrasser des règles en matière d’approvisionnement et de planification », a martelé Boris Pistorius. Selon Annette Lehnigk-Emden, présidente de l’Office fédéral des achats militaires, la Bundeswehr dispose d’un délai de trois ans pour se doter des matériels nécessaires à une défense crédible.

Coopération européenne et transatlantique : vers une armée européenne ?

Ce réarmement accéléré s’accompagne d’un positionnement géopolitique réaffirmé. Boris Pistorius plaide pour une coopération renforcée avec Washington, afin de compenser toute réduction potentielle de l’engagement américain. Cette logique s'inscrit aussi dans un contexte européen marqué par une volonté accrue de convergence des capacités militaires.

L'Allemagne pousse désormais pour des projets de défense conjoints avec plusieurs pays européens. En témoignent ses initiatives dans le domaine des satellites, des véhicules blindés et des drones tactiques.

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Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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