Le gouvernement veut vous voir vendre vos congés payés

Un choix individuel qui divise. Une réforme technique au fort pouvoir symbolique. La 5e semaine de congés payés se retrouve au cœur d’un débat qui risque de changer la donne et la vision des congés en France. Car pour le gouvernement, ce ne serait pas une mauvaise idée que les salariés puissent tout simplement « vendre » leurs vacances. Explications.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 18 juillet 2025 7h14
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Le gouvernement veut vous voir vendre vos congés payés - © Economie Matin
1801,80 EUROSLe SMIC mensuel brut s'établit à 1 801,80 euros pour un travail de 35 heures

Le 17 juillet 2025, la ministre du Travail a confirmé que le gouvernement proposera dans le cadre du budget 2026 un dispositif permettant aux salariés de monétiser la 5e semaine de congés payés. Un changement majeur dans la politique de travail de l’exécutif qui, en redéfinissant l’articulation entre temps libre et argent, tente de faire sauter les 5 semaines de congés payés comme il espère faire supprimer un jour les 35 heures.

Le gouvernement veut que vous vendiez vos congés payés

Dans les couloirs du ministère du Travail, l'idée mûrissait depuis plusieurs mois. Il s'agit désormais d'une mesure budgétaire officielle. Selon la ministre Astrid Panosyan-Bouvet, les salariés volontaires pourront prochainement convertir en euros leur cinquième semaine de congés payés. « Il s’agit d’un droit nouveau, à la main de chaque salarié », a-t-elle déclaré sur X le 17 juillet 2025 relaye Le Monde.

Le principe est simple : un salarié pourrait, sur demande, renoncer à tout ou partie de sa cinquième semaine, en échange d’une rémunération. L’initiative s’inspire du dispositif déjà en vigueur pour le rachat des RTT (Réduction du Temps de Travail).

Le gouvernement justifie cette orientation par plusieurs arguments :

  • permettre à chacun de choisir entre temps libre et revenus supplémentaires ;
  • offrir un levier pour soutenir le pouvoir d’achat sans créer de charge fiscale ;
  • mettre en place une mesure neutre pour les finances publiques.

À Bercy, on évoque des projections internes : jusqu’à 30 % des salariés du secteur privé pourraient potentiellement recourir à cette option.

Face aux syndicats, une ligne de fracture claire autour des congés payés

Mais cette réforme, présentée comme libératrice, se heurte à une opposition syndicale frontale. Pour les organisations représentatives, cette mesure fragilise un acquis historique du droit du travail français, hérité des réformes de 1982. « C’est une attaque frontale contre le droit au repos, un retour à une logique productiviste » a déclaré Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, sur France Info. « Ce type de mesure devrait figurer au musée des horreurs sociales » décnonce de son côté Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, sur France Inter.

Le Huffington Post souligne que les syndicats pointent une menace déguisée pour les plus modestes. L’idée d’un "faux choix", où des salariés en difficulté financière seraient incités à vendre leur temps de repos, cristallise les critiques.Même la CFTC, souvent plus conciliante, émet de fortes réserves : « Avant de vouloir faire travailler plus ceux qui travaillent déjà, le sujet est de donner du travail à ceux qui n’en ont pas », a affirmé Cyril Chabanier, son président.

Vendre ses congés payés : bonne idée ou fausse bonne idée ?

À ce stade, les contours exacts du dispositif restent flous. Le ministère précise que la mesure serait volontaire, limitée à la 5e semaine, et que le salarié conserverait ses quatre premières semaines de congés intouchées.

Un décret d’application est attendu à l’automne 2025. Il devrait préciser :

  • les modalités de calcul du montant versé ;
  • les éventuelles conditions d’accord de l’employeur ;
  • les impacts sur les cotisations sociales et la retraite.

Mais surtout, il faudra éviter les dérives : les employeurs pourraient facilement faire pression sur leurs salariés pour qu’ils optent pour cette option, en menaçant notamment de ne pas renouveler des contrats ou en priorisant pour les promotions les employés qui se vendraient ainsi.

Une réforme emblématique d’un tournant politique sur le travail

Si la mesure divise, elle révèle une inflexion profonde dans la doctrine de la majorité : celle d’un État qui valorise la liberté contractuelle, au détriment d’un modèle protecteur. Un libéralisme assumé de la part du gouvernement qui est de moins en moins de gauche et de plus en plus de droite voire d’extrême-droite.

Le débat parlementaire s’annonce explosif. La ministre du Travail prévoit une concertation avec les partenaires sociaux à la rentrée. Elle assure que rien ne sera imposé, mais l’essentiel se jouera sur le consensus autour des garanties apportées. Mais si les garanties sont de même nature que ce qui est demandé aux entreprises pour toucher des aides de l’État, il y a fort à parier qu’elles seront quasiment inexistantes et que les entreprises pourront toujours plus profiter de leurs salariés.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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